Juriste, Leoluca Orlando a 72 ans et succède à Aurélie Filipetti, ancienne ministre de la Culture, à la présidence de Cinemed. Et son parcours est un scénario de film. Rescapé de la mafia, il devait connaître le même sort tragique que les juges Falcone et Borsellino, assassinés par Cosa Nostra en 1992. « J’étais le 3e sur la liste, mais une centaine de femmes m’ont sauvé », explique-t-il, en formant avec leurs enfants une sorte de bouclier humain permanent. Cosa Nostra a reculé. Humaniste engagé, il a refusé d’appliquer le décret anti-immigration voulu par l’ancien gouvernement populiste d’Italie. Membre de I’organisation internationale « Global Parliament of Mayors », il entend partager les politiques d’accueil et affirmer la mobilité humaine comme un droit inaliénable. Leoluca Orlando a, par ailleurs, fait de sa ville la capitale européenne de la culture 2018 (Montpellier postule à ce titre également).
Membre du parti démocrate, ancien eurodéputé, Leoluca Orlando est lauréat du prix Civique Européen et du prix Bayard Rustin des Droits de l’Homme, et il a reçu en 2005 le prix de la paix Erich-Maria-Remarque.
Entretien exceptionnel.

Que représentent pour vous la culture et notamment le cinéma ?
À Montpellier, comme à Palerme, la culture a une place très importante. Ce festival est très important. Comme l’a dit Philippe Saurel, il est un des festivals (de cinéma) les plus importants en France. Alors, c’est un honneur pour moi d’en être le président. Moi-même, j’ai tourné dans plusieurs petits films dans ma jeunesse, alors je sais ce que représente le cinéma dans la vie d’un homme. Je sais ce que le cinéma peut apporter dans la vie des gens. Mais, moi Président, vous ne verrez pas à Montpellier les films, dans lesquels j’ai participé, être diffusés ici !

Palerme est jumelée avec Montpellier. Quelles sont vos relations avec son maire Philippe Saurel ?
Très bonnes. Philippe Saurel est mon ami. Il est visionnaire. Nous entretenons de bonnes relations. Je suis déjà venu le voir trois fois à Montpellier. Il est déjà venu plusieurs fois en Sicile à Palerme. Nous sommes tous les deux maires de villes qui sont au cœur de la Méditerranée. Lorsqu’il m’a proposé ce rôle de président du Festival « Cinemed », j’ai accepté. Il faut absolument que l’art, que la culture dans son ensemble anticipe, devance la politique. Il faut que les gens aient accès à la culture, partout et tout le temps. Nos deux villes sont des villes au cœur, autour de la Méditerranée et en aucun cas la Capitale de ce beau territoire.

Pour tout le monde, et surtout pour le cinéma, Palerme est associée à la mafia. Avec l’arrestation de Toto Riina, a-t-elle totalement disparu ?
La mafia a tué des centaines de gens. Mais, en leur fermant ainsi brutalement les yeux, elle les a ouverts à des millions de gens qui se sont réveillés. Ils ont désormais les yeux ouverts, donc ils voient. Ils ont la bouche ouverte, donc ils parlent pour se battre. Ils ont les oreilles ouvertes, donc ils entendent ce qui se dit. La mafia existe toujours mais elle n’est plus très importante à Palerme. Cette évolution n’a pas pris 40 jours ni 40 mois. Cela a bien pris plus de 40 ans. Comme l’ancienneté du Cinemed. Alors, je le redis, aujourd’hui, Palerme, ville dont je suis le maire, est la ville la plus sûre d’Italie. La mafia n’y existe plus !

La Sicile a une situation centrale vis-à-vis des réfugiés qui viennent notamment d’Afrique. Quelle est votre politique vis-à-vis d’eux ?
Pour moi, les choses sont claires : à Palerme, il n’y a aucun migrant ! Chaque personne qui arrive dans notre ville devient un Palermitain. Nous sommes pour le vivre ensemble. Nous sommes pour que les chiens, les chats et les souris vivent tous ensemble, contre les conflits entre les chats et les souris ou bien entre les chiens et les chats. Comme je l’ai déjà dit, en agissant de la sorte, nous avons fait de Palerme la ville la plus sûre d’Italie, au grand dam du pleurnichard Salvini (NDLR : ministre de l’Intérieur italien d’extrême droite de mars 2018 à août 2019). Palerme accueille tout le monde.

 

Au programme

Pas moins de 40 films (10 longs-métrages, 22 courts-métrages, 8 documentaires) sont en compétition cette année. Le réalisateur français André Téchiné en sera l’invité d’honneur. Deux évènements majeurs ponctueront cette édition. Adults in the room, le nouveau film du réalisateur Costa-Gavras, sera projeté à Montpellier en ouverture du festival, le 18 octobre au soir, en présence du réalisateur franco-grec. Par ailleurs, Gloria Mundi, du réalisateur français Robert Guédiguian, sera également projeté en avant-première, le 24 octobre au Diagonal.
Cinemed, à Montpellier du 18 au 26 octobre 2019. www.cinemed.tm.fr