Saint-Cyprien, Marengo, Les Izards, Empalot, Le Mirail, La Cépière, Barrière de Paris-Les Minimes… Autant de quartiers et d’identités logées au cœur de la Ville rose. Signe distinctif ? Ces identités sont multiples et diverses : genre, âge, situation sociale, culture, origine, santé barrent le sujet auquel ils se rapportent. Elles possèdent toutefois un point commun : le Théâtre Garonne. Labellisé « Scène européenne », le lieu les réunit pour élever leur singularité à l’échelon d’universel grâce à la médiation culturelle.

La ville pour terrain de « je »
Leur vie devient le terreau d’une exploration, dont les racines demeurent le plateau de cette salle tournée vers la création contemporaine : « Nous travaillons nos projets à partir et autour des œuvres que nous programmons, explique Marie Brieulé, qui assure le suivi et la coordination de la médiation et des actions avec Ellen Ginisty. C’est ainsi que l’on aime faire. » La gratuité est un autre levier, avec l’application de tarifs réduits pour assister aux spectacles. Dans le viseur, l’élargissement de l’accès à la culture et l’abolition des frontières stricto sensu de la scène. L’art revendique sa vivacité. Mis au travail dans des ateliers, il devient parole, écriture, dessin, cartographie ou photographie. « Nous voulons faire du spectacle vivant une expérience pas une offre culturelle. Du Théâtre Garonne, un laboratoire, pas le lieu de sa consommation, ajoute Marie Brieulé. Nous construisons à partir de ce que les publics sont. »

Des publics matières à poésie
Ils sont les lycéens de l’atelier et de l’enseignement de spécialité « Théâtre » à Marcelin-Berthelot. Ils sont les collégiens de la SEGPA à Clémence-Isaure et de la classe Français langue étrangère (LE) à George-Sand. Ils sont des jeunes de 16 à 20 ans, allophones nouvellement arrivés qui ne comprennent pas forcément la langue française, de la Mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) au lycée professionnel Roland-Garros. Ils sont des résidents de l’hôpital Garonne. Ils sont aussi ces patientes de l’hôpital de jour ; Anne-Marie, Hélène, Henriette et Maryse qui participaient à un atelier de pratique théâtrale, tissé par la comédienne et metteuse en scène Nadège Perriolat. Elles sont les femmes isolées ou en difficulté, exilées ou victimes de violences, qu’accompagnent des associations dédiées (APIAF, Olympe de Gouges) ou non (Izards Attitude). Elle sera aussi, peut-être bientôt, la communauté sourde de Toulouse – la plus grande de France – si le projet inédit que porte le Théâtre Garonne reçoit le soutien nécessaire.

Une scène, fabrique du politique
« Tout cela fait lien, conclut Marie Brieulé. Naissent ainsi des communautés provisoires, engagées dans une démarche collective à partir du plateau et avec les artistes. Chacun se place dans une situation de découverte, celle de l’autre comme celle du théâtre. Chacun accède aux questionnements qui entourent la créativité. » Exigence de qualité et de sens = élitisme ? Non. Le Théâtre Garonne développe son service des relations au public depuis vingt ans, sous l’impulsion de Bénédicte Namont, directrice adjointe en charge de la programmation artistique avec Jacky Ohayon et Stéphane Boitel. L’engagement de l’équipe confine à la prise de risque. Une promesse autant qu’une menace tant certains projets sortent de tout dispositif de subvention existant. L’art au Théâtre Garonne est chose politique donc. Mais une politique qui renvoie au polis grec, celui d’une cité organisée entendue urbi et orbi : le monde pour cité, Toulouse pour village, l’ancien château d’eau de Bourrassol pour forum.
Théâtre Garonne, 1 avenue du Château d’Eau à Toulouse – www.theatregaronne.com