Vous êtes avant tout poète. Peut-on dire que vous êtes aussi troubadour ?
J’ai été l’un des premiers à dire des textes à la Cave Poésie [à Toulouse, une institution] il y a cinquante ans. À 17 ans, le public a fait de moi un troubadour. J’ai lu un poème sur le quartier d’Empalot, dans le bus 26 avec Henri Heurtebise et René Gouzenne. Il y a une tradition de la poésie orale partout dans le monde, et je revendique ma filiation. Je me sens proche des performeurs américains de la « beat generation », comme Allen Ginsberg… Il y a des écritures faites pour être dites. Je suis un poète oralien.

La parole poétique vous paraît vitale…
Je n’ai jamais pu imaginer ma vie sans poésie. Elle est la fondation de l’être humain, qui est un être de parole. Pourtant, maintenir la parole poétique est un acte de résistance, dans une société qui a privilégié l’objet, dans laquelle tout est marchandise, y compris le savoir et l’amour.
Que représente pour vous l’oralité ?
Je suis un obsédé de l’oralité et de ses relations à l’écriture. Quand on parle d’oralité, je pense aux chanteurs André Minvielle et Claude Nougaro, à Lubat et aux poètes improvisateurs béarnais. Plus qu’une tradition de l’oralité, il y a, à Toulouse, une tradition de la poésie, qui a été transportée par la Cave Poésie, la revue Multiples, les éditions Tribu. Bruno Ruiz et Philippe Berthaut sont des chanteurs poétiques. Il ne suffit pas de faire des rimes pour être un poète. La poésie est une mise à mort du langage commun.
Propos recueillis par Armelle Parion le 5/12/2017

 

Serge Pey et la boîte aux lettres du cimetière

Serge Pey et la boîte aux lettres du cimetière est un film de Francis Fourcou, sorti en 2017 et tourné dans la région.
Il conte l’épopée du poète Serge Pey qui parcourt à pied le chemin de Toulouse à Collioure, le long du Canal du Midi, dans les hauteurs ventées des châteaux cathares, dans les plaines du Roussillon, sur les terribles plages de l’exil républicain, celle des camps français. Il porte 400 lettres écrites par des amis connus ou inconnus à Antonio Machado, le grand poète espagnol dont la tombe, au cimetière de Collioure, abrite depuis 1939 la seule boîte aux lettres au monde destinée aux poètes. Les messages intimes, politiques, poétiques y fleurissent comme des bouquets de Toussaint. Il n’y a que les poètes qui peuvent les ouvrir ; il n’y a que les humanités d’espoir qui peuvent y répondre.