La sentence de #MAVOIX est sans appel : « Le temps des chèques en blanc signés aux hommes politiques » est terminé. En prenant part aux réunions publiques du groupe local montpelliérain – aucune interview individuelle n’est accordée – artdeville en a appris un peu plus sur ce mouvement d’initiative populaire au nom fort à propos.

« Papa, tu vas pirater l’Assemblée ! »
Les solutions proposées par #MAVOIX interrogent le rôle de l’élu de façon radicale. À commencer par le mode de désignation des candidats : pour eux, ils doivent être tirés au sort et #MAVOIX veut montrer l’exemple. Ils sont 500 citoyens à s’être portés volontaires dans toute la France. Pour l’heure, nul ne connaît les noms de ceux à qui seront attribuées, de façon aléatoire, les circonscriptions en jeu pour les législatives : les 2e, 5e et 6e de l’Hérault, la 1re et la 2e du Gard, la 3e des Pyrénées-Orientales et la 4e de la Haute-Garonne pour notre région et une quarantaine au niveau national. Mais en définitive, peu importe qui sortira du chapeau. Car le collectif s’inscrit contre la personnification des candidats. « Un député doit représenter l’ensemble des Français et pas les spécificités de sa circonscription, ça c’est réservé aux sénateurs », explique David, l’un des deux fondateurs du groupe montpelliérain. « Nous défendons le mandat national pour éviter le clientélisme et la professionnalisation. C’est pour cela qu’un candidat venant de Montpellier pourrait se retrouver élu en Bretagne ». Isabelle, look plutôt classique, est l’une des « volontaires ». Elle résume sa façon de voir les choses : « Aujourd’hui l’élection sert avant tout à avoir un poste de pouvoir, alors que ce n’est pas la personne qui est importante mais la voix des citoyens. »
De fait, les députés #MAVOIX seraient les stricts relais des décisions de vote de la population, recueillies sur une plateforme numérique : si, par exemple, 70 % des citoyens votent pour une loi, 20 % contre et 10 % blanc, alors sur dix députés, sept voteront pour, deux contre et un s’abstiendra. Une perspective qui a valu à Jean-Claude, la soixantaine, d’être comparé à un pirate des temps modernes par sa fille. Car il s’agit bien de « hacker l’Assemblée nationale » selon la formule chère au collectif, « d’y pénétrer pour permettre au peuple non pas d’être plus ou moins représenté mais de s’exprimer sur toutes les lois ». Et d’appliquer une démocratie directe où les élus devront mettre leur libre arbitre de côté. Rien de gênant en cela pour Isabelle : « Ce que je ne supporte pas, c’est ceux qui votent selon les décisions de leur parti. Moi, je le ferai selon les choix de mes concitoyens et cela ne me dérange pas si c’est contraire à mes convictions. »

Ni leader ni parti
#MAVOIX n’a donc pas de programme ? « Non, confirme David, nous ne sommes pas un parti politique. Ce que nous mettons en avant c’est la méthode, une expérimentation démocratique. » Laquelle ne pourrait exister sans les nouvelles technologies mais surtout sans cette foi en l’« intelligence collective » qui revient dans toutes les bouches.
Il ne faut pas s’y tromper, l’impression d’être face à de doux rêveurs s’efface dès que l’on creuse un peu. « Lorsque j’ai découvert #MAVOIX, explique Jean-Claude, je me suis dit c’est exactement ça, j’ai halluciné ! C’est si bien fait que l’on se demande ce qu’il y a derrière, on se dit qu’il y a des pros. Mais non, ce sont des gens comme vous et moi, qui ont pris sur leur temps. » Effectivement, de la communication aux développements informatiques, rien n’est laissé au hasard, mais tout est produit de manière collaborative et financé par les dons des bénévoles. Aucun statut, aucun compte en banque. Et aucun deal possible avec les partis. Peut-on remonter à l’origine de ce mouvement ? La question flotte avant qu’émerge le nom de Quitterie de Villepin. « Mais elle ne tient pas à être mise en avant », précise David. Cette cousine de l’ancien ministre fut militante à l’UDF, assistante parlementaire d’un député et a fait la campagne de François Bayrou avant de laisser tomber la politique classique, « une machine à broyer les idéaux des gens », comme elle le déclarera dans une interview donnée à UP Magazine en 2015. Aujourd’hui, elle semble effectivement être considérée comme une simple contributrice de ce collectif sans leader.
Combien sont-ils à se mobiliser pour faire vivre le projet ? Selon Manuel, un convaincu de la première heure ayant développé le groupe de Sommières, « on n’a aucun moyen de le savoir. On est un mouvement et pas une structure et dans mouvement, il y a mouvant et vivant ».

En route pour la campagne
Depuis sa création il y a deux ans, le collectif, surfant sur les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille, a essaimé de façon spontanée à l’approche des élections du mois de juin. À Montpellier, une petite quinzaine de personnes seulement se retrouve dans les cafés du centre-ville mais les idées fusent : « Mettre en place des permanences physiques pour expliquer les enjeux des lois », « s’appuyer sur des associations »… Nathalie, elle, est « super motivée pour aller voir les gens dans la rue ». La campagne de terrain se précise, là où les candidats #MAVOIX vont se retrouver confrontés à des politiques aguerris. Mais cela ne semble pas inquiéter les novices qui ne visent pas le même électorat : à Montpellier, le choix s’est porté sur la 2e circonscription, « celle avec le plus fort taux d’abstention puisque le collectif s’adresse à ceux qui sont dégoûtés de la politique ». D’ailleurs quel regard portent les députés conventionnels sur ces candidats d’un nouveau genre ? Sollicités, aucun n’a souhaité répondre.

patricePatrice, lui, a trouvé sa façon de faire campagne. Avec son âne Cadichon, il a entrepris une traversée de Saint-Chinian à Paris, où doit avoir lieu le tirage au sort. « Ce qui intéresse les gens, ce n’est pas moi, c’est l’âne, et si ça peut me permettre de faire de belles rencontres et de parler de #MAVOIX, tant mieux », raconte-t-il lors de son passage à Montpellier.

A gauche : Patrice et Cadichon, sur la route de la Vaquerie (34).
Au centre : élément de la communication efficace de #MAVOIX.
A droite : réunion à la brasserie Le Dôme, Montpellier.

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