Éditorial 74

Par Fabrice Massé

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L’urgence d’agir pour le climat structure le discours des jeunes

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Nécessité fait loi ?

La question des territoires truste l’actualité cet automne. Sommet Afrique-France, congrès des Régions de France, biennale des territoires, biennale des arts de la scène en Méditerranée… Les occasions de s’interroger sur les crises qui traversent ces territoires et les manières de les déjouer sont aujourd’hui quotidiennes. Or, les territoires du débat sur les territoires semblent eux-mêmes un enjeu.

Pour la plupart des mouvements des jeunes pour le climat, la démocratie est une condition sine qua non d’efficacité de leur action ; le caractère horizontal des structures décisionnaires étant en lui-même un préalable absolu à leur mobilisation, notamment dans les rues des grandes métropoles. C’est en tout cas ce qu’attestaient deux sociologues, Chantal Aspe et Marie Jacqué, dans une tribune du journal Le Monde début septembre (03/09/21).
Or, dans la même rubrique, le même jour, les deux économistes toulousains Christian Gollier et le prix Nobel Jean Tirole exhortaient les « décideurs publics » à agir sur le même sujet sans délai, vu l’urgence, « après trois décennies de somnambulisme ».
Tandis que pour les décideurs publics, le cadre des débats est surtout celui des élections, des partis et des Assemblées, c’est-à-dire des institutions très verticales, « pour les deux tiers [des jeunes pour le climat], “l’urgence d’agir“ structure leur discours. Ils militent dans des organisations “horizontales“ et revendiquent des prises de paroles libres, égalitaires, sans représentants, c’est-à-dire une forme de démocratie directe », expliquaient encore les deux sociologues.

Ainsi, à l’évidence, l’urgence d’agir pourrait-elle inspirer notre structuration politique. C’est d’ailleurs ce que les présidents des Régions de France réclament à l’État français, à l’aune des crises sanitaires et climatiques : plus de décentralisation, demandait Carole Delga en leurs noms. Ils se déclarent même « humiliés » et empêchés d’agir par le gouvernement.

D’autant que si la présidente de la Région Occitanie/ Pyrénées-Mediterranée a été si largement réélue, c’est sans doute précisément parce que depuis six ans, sa gouvernance expérimente une nouvelle forme de répartition des pouvoirs. États généraux du rail, assemblée des territoires, bureau de l’Assemblée, conférences et votations citoyennes, budgets participatifs… même si tous n’ont pas été utilisés, les dispositifs institutionnels mis en place en Occitanie sont plébiscités par l’opposition elle-même. D’autres Régions devraient s’en inspirer et l’État y prêter attention. Lors de la première assemblée plénière du conseil régional, en juillet dernier, Aurélien Pradié ne revendiquait-il pas, au nom de son groupe (LR), la présidence du bureau de l’Assemblée ? Ce qui lui permettrait une certaine maîtrise sur ses débats.
Cette demande de l’élu de droite aurait pu passer inaperçue tant le débat sur le règlement intérieur de l’institution est technique, voire hermétique. Il est cependant très intéressant. Alors que le vote sur le cadre réglementaire de la gouvernance régionale a entériné une nouvelle révision dudit règlement, la présidente Delga annonçait « une adaptation avant décembre », répondant à une question d’artdeville.

Va-t-elle remettre en question une partie de ces instances qui permettent, entre autres, aux territoires éloignés des Métropoles d’être entendus, respectés ? Carole Delga exprimait au lendemain de sa réélection les « peurs, celle des parents dont 70 % pensent que l’avenir de leurs enfants sera moins bon, celle des jeunes qui à 50 % s’imaginent déjà condamnés par le réchauffement climatique, celle de nos concitoyens qui voient certains de leurs territoires vidés de leurs services publics. Peurs qui se transforment aujourd’hui en résignation et en défiance envers la politique. » Va-t-elle revenir à plus de verticalité ou au contraire renforcer cette République des territoires qu’elle-même a imaginée et qui réduit humiliations et frustrations ? « On m’a beaucoup demandé, depuis juin, les raisons de notre victoire aussi large en Occitanie. Il n’y a pas de miracle, juste ce que devrait être la politique », disait encore Carole Delga. Rendez-vous en décembre.