« Les scandales sont notre meilleure pub. Malheureusement ! » constate André Kurzaj, gérant de Biocoop le Crès, qui déménage de 50 m pour une surface plus grande, anciennement occupée par un Carrefour Market. Un symbole pour cette coopérative à but non lucratif, fondée à la fin des années 70 par des consommateurs et des producteurs animés par une même volonté de soutenir une agriculture biologique. Car, certes, les préoccupations liées à l’écologie, à la santé et au bien-être augmentent, et la prise de conscience que chacun peut agir à son niveau en consommant responsable s’affirme désormais en tendance de fond. Mais s’il s’agit de consommer autrement, il n’est pas question, pour la majorité des Français, de se restreindre : « Le « consommer responsable » se traduit en premier lieu par l’achat de produits, labellisés, certifiés éthiques, locaux et moins polluants », selon l’enquête. Une recherche de qualité et de transparence qui fait que la confiance vis-à-vis des grandes entreprises n’est plus que de 27 % en 2017, selon l’étude Greenflex 2017 réalisée avec le soutien de l’Ademe.
C’est dans ce contexte qu’émergent des solutions alternatives, du circuit court au supermarché bio en passant par la consommation collaborative. Cette dernière est renforcée par la « société connectée » avec des pratiques comme le troc ou l’échange d’avis sur les réseaux sociaux. De façon plus pragmatique, certains commerçants offrent la possibilité de commander en ligne, à l’image d’Eden Bio, boucherie-charcuterie bio implantée au cœur des halles de Nîmes. Mais le commerce de proximité semble avoir encore une belle vie devant lui.

Supermarchés participatifs pour les plus impliqués 
Situé à deux pas du centre-ville de Montpellier dans un quartier plutôt populaire, le supermarché La Cagette occupe l’ancien emplacement d’un Spar depuis septembre 2017, créé par un groupe de Montpelliérains qui s’élèvent contre « l’hégémonie de la grande distribution ». Charles, militant de la première heure, nous explique : « Les membres de La Cagette sont les seuls propriétaires. Ils choisissent les produits qui y sont vendus. Ici, tout le monde, quels que soient ses moyens, doit pouvoir se nourrir avec des aliments de qualité. » Mais pour faire ses courses parmi les quelque 2 000 références proposées, il faut d’abord devenir coopérateur en acquérant des parts sociales à 10 euros… et aussi mettre la main à la pâte. Les clients-coopérateurs doivent faire tourner la boutique trois heures toutes les quatre semaines, un investissement qui participe à leur engagement.

« Je pensais que ce serait une contrainte mais finalement on se sent responsable », admet Anaïs. La jeune agronome s’amuse : « Et puis c’est intéressant de voir comment se gère une épicerie. » Pas d’entre-soi cependant. « L’idée est de créer du lien social et de faire découvrir notre fonctionnement », résume Charles qui vise un approvisionnement de 3 000 personnes à terme, contre le millier actuel. La Cagette est d’ores et déjà un succès car elle a doublé son nombre de coopérateurs depuis l’ouverture et emploie six salariés. La majorité des membres habite les environs, comme Gilbert, un retraité, ou Ping, venu grâce à ses collègues de travail. Ils sont emballés tout à la fois par « les produits frais, le fonctionnement démocratique de la coopérative et une forme de militantisme ».
La France compte une vingtaine d’initiatives similaires en activité. Elles suivent les traces du New-Yorkais Park Slope Food Coop qui, depuis 1973, a attiré 16 000 coopérateurs. À Toulouse, La Chouette, un autre supermarché participatif, est en passe de voir le jour. Testé dans un petit local sous forme associative depuis un an et demi et fort de 400 membres actifs, il cherche un lieu d’implantation définitif.

 

Les locavores du « Magasin de producteurs »
« Depuis que je viens ici, je ne peux plus faire mes courses en grande surface ! » assène Pascale en choisissant ses fruits et légumes dans l’une des 56 boutiques de vente en circuit court qui parsèment le territoire d’Occitanie (source : Annuaire des magasins de producteurs). Pour elle, connaître l’origine exacte des aliments et pouvoir en discuter avec les producteurs est rassurant. Ce jour-là, dans la boutique Paysans du coin située à Clapiers, aux portes de Montpellier, Laurent Chagnolleau-Polti, fabricant de confitures et sirops, et Bérangère Schafol, éleveuse de canards gras, assurent leur permanence. La jeune femme est à l’origine de la création de la boutique il y a quatre ans, avec deux autres agriculteurs : « Nous avions déjà un magasin collectif à Ganges qui tournait bien mais nous avions de plus en plus de demandes par ici. Nous avons décidé de nous rapprocher de la clientèle », raconte-t-elle. Les chalands se succèdent, prenant le temps de s’enquérir de conseils culinaires. « Les clients sont surtout des personnes qui cuisinent, avec une certaine aisance financière », note Audrey Thuilliez qui vend ses huiles essentielles dans la boutique, « mais dans ce secteur périurbain proche de l’arrière-pays, beaucoup veulent retrouver un lien avec le mode de vie paysan et protéger nos métiers ». L’offre répond à une recherche d’authenticité et veut aussi éduquer au goût et à la saisonnalité : « On ne peut pas avoir de tout, tout le temps ! explique Bérangère, mais les gens préfèrent ça. Surtout les jeunes, très réceptifs. » À 32 ans, l’agricultrice se réjouit de la présence des familles et des nouvelles générations dans la boutique : « Ce matin, on a même eu des ados qui sont venus acheter leur casse-croûte ! »

L’envolée du bio
Scandales alimentaires, risques sanitaires liés aux pesticides, appauvrissement des sols et des espèces lié à l’agriculture intensive… un tableau peu réjouissant qui fait que nous sommes près des 3/4 de la population à consommer bio régulièrement, et 30 % à nous servir dans des boutiques spécialisées. Et ce avec une fréquentation et un panier moyen d’achat en hausse (source : Agence BIO/AND-i 2018). Des habitudes que certains ne sont pas près d’abandonner, à l’instar de cet homme qui rouspète : c’est que son magasin préféré, situé depuis vingt ans sur une commune voisine de Montpellier et joliment appelé L’aile du papillon, est momentanément fermé pour cause d’agrandissement. Saisissant l’opportunité d’un local disponible à proximité

immédiate, l’enseigne déménage. Elle double sa surface pour atteindre 780 m², ce qui en fera l’un des plus grands Biocoop du sud de la France. André Kurzaj, le gérant, nous accueille dans les lieux en travaux. Nous découvrons un lieu de restauration et d’animation : une nouveauté. Puis vient l’espace du vrac qui participe à l’objectif Zéro déchet du magasin, celui des fruits et légumes, produits à la coupe et traiteur, et les rayonnages des produits habituels avec une sélection « Bio Je Peux », sur lesquels les marges sont réduites pour être plus accessibles. Créée dans les années 80, la maison mère est une coopérative. « On a conservé un côté militant fort malgré la progression du groupe », affirme Thibaut, employé depuis dix ans. Quelles sont les attentes des consommateurs ? « Depuis 2010 environ, il y a eu un basculement vers le bio principalement pour des raisons de santé », remarque-t-il.

 

En vrac et tout nu !
590 kg, c’est en moyenne la quantité́ de dé́chets produite par un Français chaque année (source : Ademe). C’est aussi le constat à partir duquel s’est formée l’initiative de Salomé Géraud et Pierre Géraud-Liria, deux entrepreneurs toulousains qui, depuis le 19 février, testent grandeur nature dans leur ville « le 1er drive à consommation responsable » : le Drive tout nu. Leur concept, un service de retrait de courses zéro dé́chet directement dans le coffre de son véhicule, « pour consommer de maniè̀re à ré́duire son impact environnement, tout en gardant ses habitudes et des tarifs justes », promettent-ils.

L’expérience baptisée #LaCourse0Déchet durera quatre mois et repose sur « une course-poursuite pour traquer les déchets ! » dans quatre lieux diffé́rents. Les deux premières é́tapes se sont déroulées au 100e Singe et au Lab’oïkos, tantdis que la troisième étape a commencé le 6 avril au Périscope, à Ramonville. « Le packaging coû̂te 10 à̀ 40 % du prix d’un produit, qu’il soit alimentaire, cosmétique ou ménager », explique Salomé. Un superflu que Le Drive tout nu supprime grâce au vrac et aux contenants réutilisables.
Inscrite dans l’ère du temps, #LaCourse0Déchet se développera par une campagne de financement participatif lancée en avril. Pierre et Salomé feront appel à tous les consommateurs français, cette fois, pour développer leur concept dans toute la France.

 

lachouettecoop.fr
la Cagette : 19 Avenue Georges Clemenceau, 34000 Montpellier
Biocoop 10 Route de Nîmes, 34920 Le Crès
Paysans du coin – au rond point de Jacou – Clapiers
ledrivetoutnu.com