Depuis le mois de mai, le chapiteau en toile du domaine de Bayssan, qui trônait depuis douze ans à la sortie ouest de Béziers, a été démonté pour laisser la place à un immense chantier. Cette propriété du Département de l’Hérault depuis les années 1990, lieu d’un rayonnement culturel remarquable porté par le théâtre Sortie-Ouest (remplacé en 2017 par l’EPIC Hérault Culture), va accueillir dans quelques mois un amphithéâtre à ciel ouvert de 1 000 m2, une salle de spectacle modulable (420 places assises, 1 000 debout) et un espace d’accueil et de restauration. Ici, à l’emplacement des anciens chapiteaux partis rejoindre une nouvelle vie au pôle national des arts du cirque d’Auch (CIRCa), on bâtit l’avenir culturel de l’Hérault en format XXL : le budget est de 16 M€ (24 M€ toutes dépenses confondues) pour construire les bâtiments conçus par le cabinet K Architectures qui puise ses références dans les architectures circassiennes.

Trois chapiteaux pour la culture

« Nous souhaitions garder cette ambiance de cirque qui a fait la célébrité du site en lui conférant un état d’esprit si particulier, pose Dominique Jaumard, directeur adjoint au Département de l’Hérault (porteur du projet à 100 %), en charge de l’aménagement du territoire. Parmi les 80 candidats en lice, K Architectures a respecté cette approche circulaire en reprenant le modèle des chapiteaux avec une forte utilisation du matériau bois aux qualités esthétiques et acoustiques. » Drapés sur la charpente métallique de la salle de spectacle (nommée théâtre Michel Galabru), des voiles de béton creux reforment un chapiteau tout en séparant les espaces, l’habillage bois structurant l’ensemble. Dans l’amphithéâtre en plein air Claude Nougaro, des gradins en béton (ils seront posés dans les prochains mois) et un toit reprenant la forme d’une toile. Les bâtiments devraient être livrés l’été 2020, réalisant alors les ambitions de Kléber Mesquida pour la culture : « Nous allons développer sur le site exceptionnel de Bayssan une offre culturelle et de loisirs de qualité, pour tous les Héraultais », s’est exprimé, à plusieurs reprises depuis 2016, le président de Département. « Il est plus important aujourd’hui d’être à Béziers qu’au festival d’Avignon (…), le vrai combat est ici ! » affirmait, en 2017, un Bartabas prophétique, habitué des lieux avec son cirque équestre Zingaro programmé en 2016 pour le Printemps des Comédiens, puis en mai 2019 pour son dernier spectacle, Ex-Anima. Prophétique en effet, car la métamorphose du domaine de Bayssan est loin d’être achevée : le site s’ouvrira également à d’autres activités ludiques et sportives avec les Jardins de Méditerranée (29 hectares).

300 000 visiteurs attendus aux Jardins de Méditerranée

L’agence d’architecte Cusy Maraval (Montpellier) et Némis Paysage (Nice) ont remporté l’appel d’offres pour la réalisation de ces ambiances paysagères propres aux régions méditerranéennes, dont la livraison est prévue au 1er trimestre 2023 (avec une première partie accessible dès l’été 2020), pour un coût prévisionnel de 23 M€ TTC. Sur ce terrain accidenté, se succéderont jardins hauts (à la surface naturelle du sol) et jardins bas, « avec 9 chambres de 40×40 mètres creusées dans la roche et déroulant 9 thématiques (grecque, dédiée à l’eau, tropicale, etc.) en un parcours scénarisé », détaille Dominique Jaumard. Les Jardins accueilleront notamment le pavillon des vins (1 000 références), un restaurant en dur, un aquarium (coût prévisionnel d’environ 20, 5 M€) et un dôme immersif (estimation financière de 6,2 M€). Avec les Jardins de Méditerranée, le Département vise une fréquentation de 300 000 personnes. Juste derrière les écluses de Fonseranes (450 000 visiteurs annuels) classées au Patrimoine mondial de l’Unesco.

 

Inconstructible !

Si la réalisation en dur de la Scène de Bayssan est désormais en cours, son permis de construire a été obtenu dans des conditions étonnantes : selon le plan local d’urbanisme (PLU) de Béziers, la zone est en effet « inconstructible » !
« C’est pour ça qu’il avait été décidé de planter des chapiteaux », explique un élu. « Dans l’attente de l’établissement d’un projet d’aménagement d’ensemble », poursuit le règlement du PLU. Tout projet du Département sur son domaine était donc bloqué, conditionné « à une modification du PLU », précise encore la loi municipale.
Or, des modifications partielles du PLU, il y en a eu beaucoup, à Béziers. Trop selon la préfecture de l’Hérault. Au printemps 2019, le préfet rappelait à l’ordre son maire, Robert Ménard, pour qu’il parachève enfin la révision générale – obligatoire – de son document d’urbanisme, engagée en… 2013 !
De là à penser que cette inertie de la part de la mairie de Béziers a pu légitimer une pression, il n’y a qu’un pas que certains franchissent : « Signez le permis de construire de la Scène de Bayssan, sans quoi… », aurait en substance menacé le préfet, selon des proches du dossier.
Pour la construction des bâtiments envisagés sur ce second site (pavillon des vins, restaurant, dôme immersif, aquarium), la question se pose encore. « En cours de mise au point avec les services de la Ville de Béziers, le PLU modifié fera l’objet d’une enquête publique, certainement au printemps 2020 », précise Dominique Jaumard.
Si les travaux de la Scène de Bayssan n’ont finalement pas nécessité de modification du PLU, sans ce même coup de pouce providentiel du Préfet, ceux des Jardins de Méditerranée risquent en revanche d’attendre.