» Je n’imaginais pas si rapidement une telle charge de travail », s’étonne Yann Mazéas, quelques jours après sa nomination. L’art de gérer un planning chargé ne lui est pourtant pas inconnu. Lui qui mène de front depuis 2002 activités artistiques et enseignement vidéo aura vu son implication au conseil pédagogique de l’École récompensée. Le voilà nommé pour trois ans.
« Lorsque le MoCo a été initié avec Nicolas Bourriaud (directeur du MoCo – NDLR), nous nous sommes énormément investis. Ce projet est inédit. Il lie enseignement et apprentissage (à l’Esbama), création expérimentale (au centre d’art La Panacée) et diffusion internationale (à l’hôtel Montcalm dont l’ouverture est prévue le 29 juin). Ce qui nous plaît dans ce triptyque ? Ce rapport au réel qui s’ouvre, avec la possibilité pour nos étudiants d’être en permanence confrontés à des artistes et créateurs. J’ai l’impression de participer à quelque chose de mythique. Mais je n’ai pas du tout l’intention de détricoter ce qui a été mis en place », assure Yann Mazéas.

Grout/Mazéas, un duo décapant
Né en 1969 à Casablanca, ce fils d’un réalisateur et d’une musicienne connaît parfaitement les rouages de l’École des Beaux-Arts de Montpellier. Il y a été étudiant au début des années 90. C’est là qu’il rencontre son alter ego artistique, Sylvain Grout. « À l’époque, les duos n’étaient pas si courants, il fallait être obstiné pour imposer notre énergie », reconnaît Yann Mazéas qui dit avoir trouvé ainsi une façon drôle de ne pas porter seul la lourdeur de la paternité d’une œuvre d’art. Après avoir travaillé et monté des expositions à travers le monde pour l’artiste Pascal Convert, Grout et Mazéas poursuivent leur cursus ensemble au Fresnoy, un studio de formation artistique audiovisuelle. Le 7e art est désormais le registre essentiel de leur travail.
« Ils fonctionnent comme une équipe de production dont nombre d’installations s’apparentent à des plateaux de cinéma », peut-on lire sur le site du Centre national des arts plastiques. Qu’ils prospectent le genre du film d’horreur ou revisitent Noël, Grout et Mazéas font preuve d’un humour particulièrement décapant. « Sans défrayer la chronique, ils se sont fait connaître pour la violence physique de leurs œuvres comme par leur sens inné du défi, dès 2005 », témoigne Christian Gaussens, prédécesseur de Yann Mazéas à l’Esbama. « Leur langage, qu’il soit celui du cinéma, de la rue ou de la séduction, leur permet de décliner différentes attitudes dont le spectre passe subitement de l’ironie au sarcasme, puis vire à l’imprécation, au “foutage de gueule” en passant par la minauderie, le délire, l’interpellation, l’interjection ».

« Lawyers don’t surf »
Depuis maintenant cinq ans, le duo Grout/Mazéas planche sur le surf. « Nous shapons des planches non surfables. Nous en sommes à notre 4e version, le travail s’affine ! » s’amuse Yann Mazéas. Réalisées en collaboration avec la régie d’artistes montpelliéraine CHD Art Maker, les planches en donnent à voir de toutes les couleurs, de toutes les formes : trapues, concassées, trouées, coudées, biscornues, gigantesques, ces pièces uniques affirment fièrement leurs difformités. Prônant « l’esthétique de la maladresse et de l’échec » selon Judicaël Lavrador, commissaire d’exposition, elles posent à leur manière la question de l’héroïsme – omniprésent dans le récit notamment cinématographique – en s’intéressant aux figures mythiques du surfeur et du shaper. Non sans s’interroger également sur le statut de l’artiste, fragile face aux désirs du collectionneur, du galeriste. Elles ont été exposées fort à propos à Anglet (66), la Mecque française du surf. A Montpellier, elles seront visibles chez Uniqlo, dans le cadre de l’exposition « 100 artistes dans la ville », organisée par le MoCo, en préfiguration de l’inauguration de l’Hôtel de Montcalm.

L’Esbama accueille 180 étudiants et propose deux cursus d’enseignement supérieur – DNA (3 ans) et le DNSEP (5 ans). Yann Mazéas entend contribuer à la création d’un nouveau modèle d’enseignement favorisant davantage de rencontres et partenariats. « Notre ambition est d’immerger nos diplômés dans un milieu professionnel réaliste en ouvrant sur l’international », explique-il.