L’Occitanie ne fait évidemment pas exception dans l’Hexagone : les élections municipales des 15 et 22 mars 2020 sont au cœur d’un enjeu crucial. Elles marquent une étape déterminante dans le contexte extraordinaire du changement climatique et de perte massive de la biodiversité. Les sondages le montrent ; l’environnement arrive en tête de la préoccupation des Français (42 % selon un sondage Les Echos-IPSOS publié en décembre 2019), devant le pouvoir d’achat (41 %), la santé (37 %) et l’emploi. Ce que confirme un autre sondage, commandé par Le Monde en septembre la même année : la protection de l’environnement (52 %), l’avenir du système social (48 %) et les difficultés en termes de pouvoir d’achat (43 %) forment le trio de tête des sources d’inquiétude de nos concitoyens. Ces opinions résonnent avec l’alerte lancée par la communauté scientifique internationale. S’il ne reste qu’une décennie pour contenir la catastrophe en cours, les six années de cette prochaine mandature sont décisives. Ces experts considèrent en effet que l’échelon local est le plus apte à opérer rapidement les changements indispensables à notre modèle de société. Les villes peuvent agir notamment sur 50 % des émissions de gaz à effet de serre.

Quelles propositions les principales listes candidates en Occitanie portent-elles face à cette urgence ? Quelles sont celles qui font consensus ? C’est ce qu’a voulu savoir artdeville. En interrogeant les têtes de liste ou leurs représentants, dans les villes de plus de 50 000 habitants, en lisant leurs programmes – lorsqu’ils sont publiés ; à l’heure du bouclage certains ne le sont pas encore –, en observant, autant que possible, leurs campagnes et leurs déclarations médiatiques, nous avons voulu définir ce que pourrait être, selon eux, la ville idéale en Occitanie. Selon trois critères : transition écologique, qualité de vie, grands projets.

De Montauban à Nîmes

Premier axe, premier enseignement : la transition écologique occupe une place primordiale dans la totalité des projets électoraux.
De la préfecture du Gard, Nîmes, à celle du Tarn-et-Garonne, Montauban, les programmes sont à l’unisson. « Vous nous l’avez très clairement exprimé : nous devons changer de braquet et engager une vraie transition écologique », écrit Arnaud Hilion, 43 ans, enseignant-chercheur en mathématiques et candidat de la liste l’Alternative pour Montauban. « L’écologie est l’affaire de tous. Elle doit être un axe prioritaire et transversal de l’action municipale », promet-il. Mobilité alternative à la voiture, pratique du vélo, économies d’énergie dans le bâtiment, gestion vertueuse des déchets, végétalisation de l’espace public pour limiter les effets de la canicule, limitation de l’étalement urbain, alimentation locale et bio… beaucoup des marqueurs d’un engagement écologique figurent dans son programme.
On les retrouve pour partie dans les propositions de Brigitte Barèges, maire sortante de Montauban : « s’adapter au changement climatique » et « préserver les ressources naturelles et le cadre de vie » figurent en tête du thème 1 de sa campagne. Dix-sept autres pages suivent, énumérant des actions efficaces. Rien cependant sur la limitation de l’étalement urbain et l’alimentation locale et bio. A contrario, des éléments issus de son bilan/programme écornent la crédibilité de son projet ; comme ces « 25 hectares aménagés par les promoteurs pour le pôle automobile et ses activités connexes ». Réponse de la candidate sortante : « Il s’agit en effet de trouver du foncier, d’aider financièrement à l’installation » d’enseignes, notamment de la grande distribution, au nord et au sud de la ville. « Il y a lieu (aussi) de continuer à prospecter pour pouvoir permettre que ces zones en pleine expansion continuent à se développer. » Dans la majorité de villes de la région, les listes candidates se prononcent au contraire pour un moratoire sur les zones commerciales.

Des oasis de fraîcheur
C’est le cas à Nîmes, où l’urgence écologique est incarnée par Daniel Richard, 75 ans. Cofondateur de la célèbre fondation WWF-France, ancien dirigeant des sociétés les 3 Suisses, Séphora, Sanoflore (cosmétiques bio) et Soleïado… son curriculum vitæ fait office de programme (en construction). Il livre à artdeville une partie de son projet, Nîmes, une ville nommée désir : lutter contre « la religion de la voiture » et son pendant, « la ville-dortoir, non éveillée et sans cœur, où le lien social s’efface » notamment dans les quartiers. Comment ? Par « un plan Marshall de la rénovation ». « Avec de l’argent, c’est facile d’embellir la ville », tacle ce militant écologiste de la première heure à l’attention de son principal adversaire, le maire sortant Jean-Paul Fournier, mais « sous le vernis, Nîmes atteint un taux record de pauvreté. » (NDLR : 29 % en 2016 selon l’Insee). Daniel Richard veut créer « une régie municipale de l’eau » et un pôle énergie qui serait alimenté par l’implantation massive de panneaux photovoltaïques. Pour lutter contre les canicules estivales de plus en plus fréquentes et mortelles, il créera « des oasis de fraîcheur » en végétalisant rues, places, écoles… « partout où cela est possible ». M. Richard souhaite y implanter des fontaines : « Il faut qu’on voie les enfants jouer dans la rue. » Sur la mobilité, il se déclare favorable à la gratuité des transports collectifs. Nîmes sera, de plus, « interdite au diesel sur les derniers kilomètres ». Sa ville idéale est « en chemin vers le mieux » et s’appuiera sur d’autres mesures, portées par l’ensemble de sa liste : « On n’est pas conscients de l’urgence ; mais on ne peut pas aller vite sans la mobilisation des citoyens. »
Sollicité, Jean-Paul Fournier, 75 ans, n’a pas donné suite à notre demande d’interview. Pas de programme en ligne non plus. Reste son bilan : sur nimes.fr, le mot « écologie » peut-il témoigner d’une prise de conscience de l’urgence ? L’occurrence apparaît vingt-deux fois sur les pages du site municipal, mais seulement quatre pour décrire des réalisations : les performances thermiques des écoles Courbessac et Jean-Carrière, le chauffage urbain de la ville (dans le cadre de la loi de transition énergétique pour une croissance verte, cependant), le permis de végétaliser (voté en sept. 2019).

À Montpellier, l’écologie ou le périphérique ?

La gratuité des transports en commun est une proposition de mobilité forte et récurrente des programmes électoraux, partout en France. Portée à Perpignan par la candidate Agnès Langevine, 52 ans, vice-présidente de la Région, et à Béziers par Pascal Resplandy, 53 ans, expert-comptable, c’est toutefois à Montpellier qu’elle a eu l’écho le plus retentissant. Elle constitue le point n° 1 du programme de Michaël Delafosse, 43 ans, enseignant en histoire-géographie, son premier argument même : « Faire le choix de la transition écologique ». Il l’explique : « La gratuité des transports a certes démarré en France dans des petites agglomérations avec des taux de couverture faibles (Châteauroux, Aubagne), mais elle s’est élargie depuis à des agglomérations plus importantes comme Niort, Dunkerque (200 000 habitants) et existe à l’étranger à Tallin, capitale de l’Estonie (450 000 habitants) […] le Luxembourg a décidé de la gratuité dans tout le pays pour 2020 mais aussi L’Estonie. » Quant au problème de saturation des lignes que ses adversaires objectent, le prétendant au siège de maire répond : « Seul le tronçon Saint-Éloi/Albert-1er est saturé », soit un segment relativement court.
Complétée à l’échelon régional où l’idée fait son chemin – pour les lycéens déjà et avec le train à 1 euro –, la gratuité pourrait inciter les automobilistes à changer d’habitude. Adossée à une agence de la mobilité (artdeville n° 64), dont le candidat soutient la création, la mesure n’en serait que plus efficace.

Produire plus de bouchons ?
Mais cette proposition phare du projet mobilité de M. Delafosse, que viennent compléter la création de quatre lignes de bus à haut niveau de service et un plan vélo à 100 M€ notamment, semble être contredite par un autre point : le candidat veut « accélérer le bouclage du “périphérique“ montpelliérain » ; une infrastructure routière controversée en 2×2 voies dont le coût s’élève à environ 300 M€. « Cela consisterait au contraire à produire plus de bouchons et d’étalement urbain, comme on le constate dans toutes les villes qui en sont pourvues », expliquait l’urbaniste Bernardo Secchi à artdeville, il y a quelques années. M. Secchi avait été chargé d’un audit sur Montpellier… par M. Delafosse, alors que ce dernier occupait le poste d’adjoint à l’Urbanisme de la Ville. La totalité des candidats écologistes sont défavorables à cette infrastructure, notamment Coralie Mantion d’EELV, 50 ans, architecte, désignée tête de liste au prix de nombreux atermoiements.
Alenka Doulain, 30 ans, dont le métier est d’accompagner la création de coopératives d’énergies renouvelables en région Occitanie, s’oppose également au bouclage d’un périphérique autour de Montpellier. Pour elle, la ville idéale se construit avec ses habitants. Pas question donc de livrer des propositions trop définitives portées au seul nom de sa liste, NousSommes. « Pour répondre aux enjeux de l’urgence climatique et des injustices sociales », Alenka Doulain se dit « persuadée que c’est en pratiquant une démocratie plus radicale qu’il est possible de faire de Montpellier une ville radieuse. » Dix projets sont cependant mis en avant, dont une plateforme participative dédiée à l’élaboration du programme, un dispositif également opérationnel chez de nombreux autres candidats. La gratuité des transports en commun ? Alenka Doulain y est favorable, mais juge qu’il faut « d’abord mettre de l’ordre dans le fonctionnement de l’offre actuelle ».
Outre des éléments communs à de nombreuses listes, tels que « la végétalisation massive de la ville », le développement de la place du vélo (plébiscité), les cantines bio, deux grands projets émergent pour « éradiquer le chômage » : la création de deux pôles dont l’un serait dédié à l’alimentation bio et locale, l’autre à la rénovation écologique de l’habitat.

Construction et végétalisation à 50/50
Toujours à Montpellier, la liste conduite par Mohed Altrad, 70 ans environ, présente un projet synthétique pour la transition écologique, en une soixantaine de points. Et le célèbre milliardaire l’affirme, « j’en ai fait le fil vert de notre programme ». On peut le croire sur parole. Distingué au niveau mondial Entrepreneur de l’année en 2015, la rénovation urbaine est, a priori et sans ironie, une bénédiction pour son groupe spécialisé dans les échafaudages. Ses propositions recoupent ainsi pour la plupart celles présentes dans d’autres programmes. Certaines sont toutefois inédites, comme « utiliser les innovations technologiques pour récupérer la chaleur des revêtements des chaussées et des espaces publics ». M. Altrad cite en exemple l’expérimentation du Conseil départemental de l’Hérault qui « pratique et expérimente déjà sur certaines routes ces technologies ambitieuses ». D’autres propositions intriguent comme « instaurer le principe de rééquilibrage entre construction et végétalisation (objectif 50 % – 50 %) ». Cette mesure rappelle celle du maire sortant, Philippe Saurel, qui établit « de préserver les deux tiers du territoire en tant qu’espaces naturels et agricoles » ; le reste étant réservé à la construction. Elle a déjà été approuvée par un vote en conseil métropolitain et intégrée au schéma de cohérence territoriale (SCoT), le 18 novembre 2019 ! Mais, pour M. Altrad, ce principe de rééquilibrage sera « intégré dans le Plan local d’urbanisme intercommunal », soit à la parcelle. Ce qui augmente en effet nettement son impact positif sur la biodiversité.

Philippe Saurel, 63 ans, n’a pas encore déclaré sa candidature. Quoi qu’il décide, son Manifeste de Montpellier, pour une ville écologique et humaniste, publié en automne 2019 fait référence : 80 pages, 5 grandes ambitions, et 30 engagements. Basé sur les « 17 objectifs pour sauver le monde » des Nations-Unies, il « “manifeste” de façon très claire, ce besoin de revivifier notre pensée par rapport au vivant. Il en va de notre survie », expliquait M. Saurel devant la caméra de lemouvement.fr.
Ce manifeste est dans son cas à analyser au regard des actes de son auteur. Sur le volet mobilité, la gestion du président de la métropole fait l’objet de nombreuses critiques : ligne 5, vélo, gare TGV notamment. Si le SCoT, une « feuille de route pour les 50 ans à venir » récemment approuvée par M. Saurel, est mis en œuvre, ce projet urbain ne baissera que d’environ 1 % les émissions de gaz à effet de serre en 2040, selon l’évaluation environnementale du document lui-même (page 73). Trop peu pour sauver le monde, car le taux moyen à atteindre est de 45 %.

À Toulouse, la mobilité au cœur des enjeux

23 mars 2020, le jour d’après pour la Ville rose ? Si la transition écologique, la qualité de vie et la proximité – avec le quartier pour étalon – rassemblent aussi à Toulouse l’ensemble des candidats, la bataille pour la mairie n’en est pas moins engagée ! L’hôte du Capitole, Jean-Luc Moudenc, 60 ans, brigue son propre siège, au nom d’un bilan qui appellerait la poursuite de son action. Mais ses adversaires lui opposent qu’il n’est pas à la hauteur des enjeux. La gauche réformiste et républicaine veut y croire, tandis que trois listes la représentent à l’aune du premier tour.
« Ce que nous offrons c’est un projet global pour Toulouse, une ambition pour ses quartiers, une fierté rendue à tous ses habitants », affirme Nadia Pellefigue, 40 ans, vice-présidente chargée du Développement économique, de la recherche, de l’innovation et de l’enseignement supérieur à la Région. Pour la socialiste, tête de liste du mouvement Une nouvelle énergie (UNE), il sera avant tout question de méthode, seule façon pour elle de « favoriser une dynamique citoyenne qui fasse émerger des solutions concrètes, simples et efficaces. » Un point de vue largement partagé par les candidats d’autres listes, de toute la Région. « La stratégie du coup par coup nuit beaucoup à la cohésion sociale et territoriale de Toulouse, à la qualité de vie de sa population et à son expression démocratique et citoyenne », insiste-t-elle. Sa liste propose d’ailleurs « la mise en œuvre d’une COP 26 territoriale et la création d’un GIEC local ». Cette nouvelle instance de démocratie participative dédiée à la transition écologique fera-t-elle mieux que les nombreux autres dispositifs similaires (PLU, SCoT, Plan climat-air-énergie territorial, Mission régionale de l’autorité environnementale…) qui ont en effet montré leur limite ? Et si ce GIEC local remettait en question les autres propositions de UNE ? Comme « la création de sept portes à étages végétalisées, aux points d’entrée et de sortie principaux de la ville : des plateformes dédiées au stationnement des véhicules particuliers et au covoiturage qui intègrent une offre de services et un accès aux autres mobilités » ? Organiser la circulation automobile, n’est-ce pas encore l’encourager ? À moins que ces portes soient plutôt conçues comme des hubs dédiés au transport collectif et au covoiturage, et qu’ils n’intègrent qu’à la marge des stationnements aux véhicules particuliers, on ne voit guère pourquoi des bouchons ne s’y formeraient pas.

Aller plus loin et faire différent constitue le leitmotiv des opposants à Jean-Luc Moudenc. Illustration avec le débat sur la 3e ligne de métro, notamment, qui cristallise les enjeux de la campagne. Personne ne la remet en question, mais chacun pointe ses insuffisances. Tracé, phasage et coût impacteraient à terme l’efficacité d’un changement en faveur des modes de déplacement doux. Le projet hypothéquerait également le déploiement et le développement des transports de surface ; tramway et bus en intra-muros, trains régionaux en extra-muros.
Un avenir sous tension
Pour filer la métaphore du transport, il conviendrait de dire que Toulouse arrive à un poste d’aiguillage. En cause, la croissance tous azimuts de la Ville rose. Selon la dernière étude de recensement publiée en 2019 par l’Insee, Toulouse reste en France la plus dynamique sur le plan démographique, avec 5 620 nouveaux habitants par an en moyenne entre 2011 et 2016. Grâce au tissu économique de son agglomération, Toulouse change de statut : elle devrait prochainement passer de 4e à 3e métropole de l’Hexagone. Revers de la médaille, la ville et son agglomération sont sous tension, notamment sur la mobilité – 2e ville la plus encombrée de France selon le baromètre Tom-Tom. Un comble pour la ville dont les industries aéronautiques et spatiales demeurent… la locomotive !

Un sortant à son propre diapason
Pas de quoi cependant inquiéter le maire sortant, également président de la métropole : « Notre équipe a su répondre au défi de la croissance toulousaine en travaillant trois priorités pendant les six années qui viennent de s’écouler : la sécurité, la transition écologique et les mobilités, explique la tête de la liste « Aimer Toulouse ». Nous souhaitons toutefois aller au-delà de ce qui a été accompli ; notamment en matière de transports en commun, autour de la 3e ligne de métro, et de végétalisation, avec le projet de parc urbain sur l’île du Ramier et l’accélération des plantations d’arbres. L’aménagement et la rénovation urbaine comptent également parmi les grands projets structurants que notre équipe porte pour la prochaine mandature. »
Mais le site de campagne « Aimer Toulouse » avance des propositions contradictoires. « L’adaptation au changement climatique et le confort des automobilistes ne sont pas incompatibles, affirme Jean-Luc Moudenc. Nous créerons ou rénoverons des axes routiers là où cela est nécessaire […] Nous faciliterons l’accès au périphérique avec un nouvel échangeur […] Nous poserons les bases d’un contournement à l’ouest de Toulouse… ».
Or le Plan climat territorial de Toulouse-Métropole (PCAET) fixe une ambition forte à l’horizon 2030 avec « plus de la moitié des déplacements réalisés autrement qu’en véhicules motorisés thermiques individuels ». Mieux : le contenu prévoit que Toulouse devienne « une collectivité à énergie positive » à l’échéance ! Cet optimisme du président de la métropole a fait tiquer la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAE). L’organisme d’État ne semble pas convaincu : « L’évaluation environnementale ne démontre pas, en revanche, la capacité du plan à atteindre les objectifs ambitieux fixés par la stratégie pour ce qui concerne la baisse des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation d’énergie ». Traduisez : les projets de M. Moudenc sont irréalistes. « Dogmatisme », comme le dénonce par avance M. Moudenc, ou clairvoyance face à l’urgence ? « à Toulouse, entre 4 700 et 9 200 personnes sont exposées à des dépassements de la valeur limite pour la protection de la santé », estime ATMO Occitanie. Un record régional. Ces expositions sont liées à la circulation automobile.

Une ville de paradoxes
Du changement dans la continuité donc ? Pour Antoine Maurice, 38 ans, directeur d’association de compostage de proximité et tête de liste écologiste du collectif Archipel Citoyen, « Toulouse est une ville de paradoxes. Son rayonnement touristique et son dynamisme industriel sont indéniables, or le taux de chômage y reste élevé (8 % en 2019 ; source : Insee). Le mal-logement s’accroît, tout comme les difficultés à se loger. La vie et l’action associatives pâtissent de la baisse des subventions. Si elle ne veut pas devenir une ville qui exclut, Toulouse doit rester une ville à vivre et à habiter. Deux ambitions doivent être portées, qui vont de pair selon nous : transition écologique et justice sociale. On ne peut pas obtenir l’une sans l’autre ». Antoine Maurice, comme Nadia Pellefigue, propose « une nouvelle gouvernance des transports avec la mise en place d’un organisme des mobilités et la création d’une autorité organisatrice unique qui associeront Toulouse et sa métropole, les autres intercommunalités de l’aire urbaine, la Région Occitanie, le Conseil départemental de la Haute-Garonne. Ce projet a d’ailleurs déjà la faveur de Carole Delga (artdeville n° 65).
À Toulouse, seule la liste Toulouse Anticapitaliste conduite par Pauline Salingue, éducatrice au CHU, porte le projet de la gratuité des transports pour tous « sans condition d’âge ou de ressources ». La priorité au RER toulousain et la construction d’un vrai réseau sécurisé de pistes cyclables font également partie du programme.

Poussée démocratique, enjeu participatif
L’unité urbaine commune à toutes les listes toulousaines est celle du quartier. Sans doute un héritage des Fabulous trobadors qui dans les années 2000 avaient noué avec le quartier Arnaud Bernard un lien privilégié, dont on a parlé partout dans le monde (ou presque !).
L’enjeu est démocratique, participatif. Les candidats, quels qu’ils soient, cherchent autant des suffrages que des manières nouvelles de concerter, de coconstruire le futur de la Ville rose. Des « assemblées publiques décisionnaires » d’Archipel Citoyen aux « fabriques des quartiers » de UNE, en passant par « la limitation des mandats et la révocabilité des élus à tout moment » de Toulouse Anticapitaliste, l’offre traduit clairement le sentiment des Toulousains face au déficit démocratique. « Il ne peut y avoir de confiance avec les habitants sans transparence ni proximité », affirme Franck Biasotto, 50 ans. La tête de la liste centriste « Toulouse Belle et Forte » affiche sa rupture avec la majorité sortante, alors que le dissident LREM comptait parmi ses membres au poste d’adjoint au Logement : « Être maire, particulièrement ici, demande de l’être à plein temps pour être en contact avec les forces vives de la ville et sa population, aussi pour être en capacité de conduire les chantiers d’envergure qui s’annoncent. Voilà pourquoi je défends le non-cumul des mandats du maire et du président de la métropole, notamment. »
Parmi ses propositions phares, « la création d’une Maison de l’habitat et du logement, guichet unique pour inciter à la réhabilitation des parcs immobiliers privé et public ». Pour lui, « le développement durable est une urgence ». Sa liste, comme beaucoup d’autres, intègre la promotion des circuits courts, les potagers urbains, l’alimentation bio…, sans plus de détails toutefois. En revanche, « la création d’une régie municipale de production d’énergie propre » est plus précise. En écho en tout cas avec la liste conduite par Pierre Cohen. L’ancien maire de Toulouse porte cette proposition, doublée par l’institution « d’une régie municipale agricole et alimentaire des espaces de maraîchage urbain ». Pour M. Cohen « la démocratie est à bout de souffle ». « Contrôle citoyen » et « budget participatif » figurent ainsi en gras dans son projet parmi ses mesures pour la raviver.

Perpignan, Béziers, Narbonne

Revenu de solidarité écologique
Point transversal à toutes les campagnes, la sécurité est un aspect de la ville idéale largement traité. Marqueur politique de la droite, ce thème est désormais revendiqué fermement à gauche par des candidats comme Michaël Delafosse et Alenka Doulain à Montpellier, Agnès Langevine à Perpignan. Si pour tous, la question est avant tout liée au trafic de drogue – un enjeu qui intéresse l’État donc avec, par exemple, l’ouverture d’un débat sérieux sur la légalisation –, la proposition d’Agnès Langevine sort du lot : « Nous créerons une brigade municipale pluridisciplinaire antidrogue. Nous exigerons de l’État un pilotage renforcé de la lutte contre les stupéfiants avec la police municipale, les bailleurs et les commerçants.es. » Pour elle, il s’agit de « prévenir les problèmes d’addiction et s’attaquer efficacement aux points de vente qui gangrènent la vie d’un quartier ».
Agnès Langevine défend une autre proposition forte : « un Revenu de solidarité écologique ». Conditionné à un engagement de la part des bénéficiaires, elle entend lutter contre « le niveau très élevé de pauvreté [32 % NDLR] qui pèse sur les performances économiques de la ville et aggrave les inégalités climatiques. » Il sera financé par les économies d’énergie et d’eau réalisées par la municipalité. Cette proposition est également partagée par d’autres listes, notamment à Narbonne par EELV et LREM.
Jean-Marc Pujol, maire sortant LR, 61 ans, publie en guise de programme son bilan. Sur sa priorité, la sécurité, l’effectif de la police municipale a été doublé et le nombre de caméras de surveillance nettement augmenté.
Chaque Perpignanais peut donc juger du bénéfice qu’il en a tiré. Question chiffres, l’impact de la politique menée localement est difficile à connaître. Perpignan, 30e ville de France, est classée 14e ville la plus dangereuse. Un mauvais résultat que n’aura donc guère fait changé M. Pujol.
Louis Aliot, député RN, 51 ans, ne propose pas de programme détaillé. S’il place la sécurité en priorité n° 1, il promet en 2e position « une véritable politique environnementale », ce qui est révélateur d’une prise de conscience transversale du sujet. Il se prononce toutefois contre les éoliennes et favorable au nucléaire.

Un téléphérique panoramique
À Béziers, pas de programme encore pour le maire sortant Robert Ménard, 66 ans. Mais selon le candidat, cité par Midi Libre, 112 propositions devraient sortir et il donne sa « parole d’honneur qu’aucune de ces propositions n’est du mensonge et de la démagogie ». Y aurait-il matière à en douter ? Difficile dans ce cas d’apporter crédit aux projets d’un candidat qui pose lui-même de telles bases pour les évaluer.
Son principal concurrent porte, outre le bus gratuit, un projet aérien sympathique : un téléphérique. Pascal Resplandy juge cette construction d’une double utilité « pour les touristes et pour les Biterrois. Les 500 000 visiteurs qui vont voir les Neuf Écluses de Fonseranes doivent avoir envie de venir à Béziers pour découvrir notre patrimoine extraordinaire ! » Son grand projet offrirait en effet un belvédère idéal pour admirer le spectaculaire panorama formé par le pont canal, les rives de l’Orb, la cathédrale… aujourd’hui peu visible.

Responsabilité
Didier Mouly, 68 ans, semble s’engager lui aussi sur la voie de la transition écologique. Maire sortant, avocat, il plaide pour un Conseil de surveillance écologique avec en ligne de mire la société Orano, une usine de raffinage d’uranium qui inquiète. Mais ce projet arrive en 4e position sur son programme qui ne comporte aucune autre action concrète. Plus intéressé par les questions de sécurité, il a installé l’an dernier la police municipale en lieu et place d’un centre d’art contemporain (artdeville n° 57), un acte qui en dit long sur l’ambition culturelle de son auteur.
La responsabilité face à l’enjeu climatique est à chercher du côté des listes Narbonne en commun, Les Robin.e.s, Narbonne XXI voire Narbonne Impulsion citoyenne. Les deux premières la placent en tête et s’engagent, tout comme la troisième, sur des actions crédibles et détaillées. Pour n’en retenir qu’une, citons celle défendue par Nicolas Sainte-Cluque, tête de liste de Narbonne en commun : « Prévenir et se protéger face à la montée des eaux à Narbonne-plage et étudier les stratégies de repli, de protection et d’adaptation. » Un enjeu en effet considérable (chicxulub n° 25 – 2010) qui aurait mérité d’être présent sur toutes les listes narbonnaises.

Les enjeux de la transition écologique sont entendus par chacun, mais les réponses face à l’urgence ne sont pas formulées avec la même énergie, ni la même pertinence voire formulées avec une étonnante désinvolture : « L’écologie est à la mode » déclarait ainsi un candidat montpelliérain qui n’a pas été cité dans ces pages. Un consensus se fait cependant sur la végétalisation massive des villes, la place du vélo, sur la remise en question des zones commerciales, le besoin de sécurité, de démocratie… De ce dernier point, la liste menée par Patrick Vignal, à Montpellier, a fait le thème principal de son projet, tandis que d’autres candidats le placent en tête de leurs propositions. Symptômes du caractère aigu du problème ?
Enfin, bien d’autres propositions méritaient d’être ici soulignées, comme la création de recycleries, une meilleure gestion des déchets ; sur la culture, par nature les propositions divergent. La création de festivals est cependant une idée que est revenue plusieurs fois notamment à Perpignan sur les listes EELV et RN. En revanche, sur l’éducation, on aurait pu s’attendre à des propositions plus concrètes de la part des candidats sur le fonctionnement et l’aménagement des écoles, mais sauf erreur, artdeville n’a rien repéré d‘innovant parmi les propositions.
Voilà, en tout cas et en quelques points où se joue le scrutin municipal dans les villes d’Occitanie de plus de 50 000 habitants.