1 – L’ENTRÉE EST DE SETE

Faute de local public assez grand, c’est dans le garage nautique Yamaha que Thau-agglo a présenté son grand projet urbain pour l’entrée Est de Sète. En ce 10 mars, près de 150 personnes sont assises, une trentaine restent debouts et toutes ont gardé leurs manteaux. Malgré le froid, l’entrepôt est plein ; cette réunion de concertation comme la précédente, au cinéma le Palace quelques semaines avant, ont mobilisé.
Il faut dire que le programme est allêchant. Premier acte de l’aménagement du site, la transformation des chais des moulins en un centre culturel (ill. ci-dessus). Le geste urbain est de bon augure, d’autant que l’architecte retenu est Rudy Ricciotti, auteur notamment du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) à Marseille. « C’est le seul qui a proposé une entrée au nord » explique Christophe Durand, vice-président de Thau Agglo délégué à la culture. Situé immédiatement à droite lorsqu’on aborde le premier quai de Sète en venant de Montpellier, cette friche industrielle abrita jadis les vins Dubonnet. Un porche en garde la marque en bas relief. La propriété est désormais partagée entre le promoteur sétois Christian Gaffinel et la ville de Sète. Classé à l’inventaire des monuments historiques pour sa charpente attribuée à Eiffel, les bâti- ments servent depuis plusieurs années de lieux d’exposition au festival Images Singulières, dont les dirigeants n’ont pas démérité pour convaincre les pouvoirs publics de la pertinence d’un tel projet (chicxulub n°30). Fin 2018, si tout va bien, 8000 m2 accueilleront donc rien de moins que le musée international des arts modestes, des ateliers d’artistes, une antenne de l’école des Beaux-Arts, le conservatoire de musique et une salle de spectacle, peut-être un cinéma. Une passerelle ou un pont juste à l’aval sont à l’étude. L’ouvrage d’art enjamberait le canal, permettant un accès plus simple par la route de Montpellier.

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Une mutation historique s’engage.
Cette zone portuaire stratégique pour laquelle une mutation historique s’engage s’étend jusqu’à la gare. 75 hectares qui ont accueilli la première ligne SNCF de la région Montpellier-Sète, une industrie principalement liée au commerce du vin et de l’huile, et subit deux bombardements lors de la 2nd guerre mondiale. «75% des bâtiments furent détruits» selon Gustave Brugidou de la société d’études historiques et scientifiques de Sète. Autant dire que cette reconquête territoriale, de friches ferroviaires, industrielles et commerciales pour une large part, est sensible aux cœurs des Sétois. Agressés de toutes parts au fil de temps, le périmètre et son environnement immédiat le sont encore par les questionnements d’aujourd’hui, critiques sur les dégâts civils et militaires subits. Exposé aux risques de submersion marine, aux nuisances sonores, aux ombreuses pollutions anciennes et contemporaines, l’entrée Est de Sète et ses zones attenantes accumulent les fardeaux. Le défi est de taille. « C’est un projet pour 20 ans » prévoit François Commeihnes, maire de Sète, président de l’agglomération et sénateur.

Malgré ce tableau a priori sombre, «de réelles qualités paysagères sont à mettre en scène» commente Maud Joalland l’architecte-urbaniste chargée de la direction opérationnelle du projet. Elle évoque un «triptique environnemental, social et économique» sur lequel il convient d’asseoir la future entrée est. Le nouveau quartier sera désservit par le futur pôle intermodal de transport autour de la gare, incluant la navette fluviale ; la rue sur le quai sud sera déplacée au nord, libérant un itinéraire de ballade aux piétons où les commerces auront toutes leurs places ; et la circulation automobile sera contenue par des parkings dont la jauje sera déterminée avec attention.

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L’impact écologique
A la tribune de cette réunion de concertation, on affirme qu’il s’agit d’un emplacement «premium» et, objectivement, malgré la présence imposante de la station d’épuration des Eaux-Blanches, juste derrière, et celle en nombre des voies ferrées, on se laisse avoir envie de partager cet enthousiasme. «Le défi environnemental» que Thau-agglo entend relever sur le site internet dédié au projet ferait même sourire par sa modestie : «Thau-Agglomération a pour ambition de limiter l’impact écologique de ce développement urbain du centre de l’agglomération.» Mais vu l’état actuel de la zone et la dépollution rendue nécessaire par son aménagement, il semble a priori très probable que «l’impact écologique» devrait être nettement positif ! De surcroit, les différentes lois de transition, votées ces dernières années au niveau national, imposent désormais un cadre réglementaire qui devrait permettre à Thau-agglo d’atteindre l’objectif d’excellence environnementale sans limiter son ambition ni sa créativité.

C’est d’ailleurs la demande qui est ressortie très nettement lors de cette réunion de concertation, où près de 80% des questions ce soir-là s’inquiétaient de problèmes d’écologie urbaine, notamment sur la circulation à vélo ou en transports en commun («modes doux»), d’espaces verts, de la présence ou non de toitures végétalisées, des nuisances offactives ou encore de la proximité de sites Sévéso.

Alors que les bâtiments sont encore représentés par des cubes et des rectangles – l’aménageur du futur écoquartier ne devant être désigné qu’au 2nd trimestre 2016 – on teste l’idée de placer à l’ouest du périmètre des immeubles de 6 à 8 étages sur les bords de bassin du midi avec des vues panora- miques sur Sète, le port, les quais et la mer. Leur architecture n’a pour l’instant fait l’objet d’aucun croquis, mais elle nourrit déjà en cela un débat. 1800 à 2000 logements sont prévus sur l’ensemble de la ZAC, dont 30% sociaux et 20% aidés. Aucun ne sera en rez-de-chaussée vu le risque de submersion marine. Un mail central irriguera le quartier d’Est en ouest (Ill. ci-contre), au milieu duquel un canal pourrait être creusé. « La mise en place d’un réseau de chaleur utilisant les ressources énergétiques locales (et pourquoi pas la mer) » étant envisagé, ce canal pourrait avoir un rôle à jouer.

Comme à Nantes ?
Enjeu supplémentaire, restera à relier ce quartier aux quartiers du centre ville. Le pôle intermodal doit y remedier. Mais l’attractivité du site devrait être un allié de poids : «une forte attente est exprimée sur la réalisation du pôle culturel dans les Chais des Moulins» rapporte Thau-agglomération dans son compte-rendu des réunions de concertation. Le projet n’est pas sans faire écho à celui de l’île de Nantes, ses quais de Loire, ses friches portaires et ferroviaires. Le cœur de la capitale de Loire-Atlantique est aujourd’hui un ensemble culturel et festif qui fait battre celui de ceux qui le découvre depuis déjà une bonne décennie. Une balade à dos d’éléphant – un auto- mate géant créé par le cofondateur de la Cie Royale de Luxe – permet une visite mémorable du site. Des bars à thème, un immense parc verdoyant planté des vestiges du passé, ses grues monumen- tales, dressent un paysage spectaculaire et convivial très prisé des Nantais, tous âges confondus.
Dans le futur écoquartier culturel de Sète, un pouffre géant rampera-t-il un jour aux abords de la gare, embarquant parmi ses tentacules bienveillants touristes et bagages à bord du Copains d’abord ? Qui sait ?
Quoi qu’il en soit, l’ambition de Thau-agglo ne s’arrête pas à l’entrée est de Sète. Simultanément, trois vastes projets urbains sont en cours de lancement, et chacun de nature à conforter l’autre : l’amé- nagement de la zone commerciale de Balaruc, la transformation du site de Lafarge de Frontignan, tournée vers le sport, les loisirs et le développement économique, et enfin, le projet résidentiel et environnemental du site des Hierles à Frontignan.
Pour l’entrée Est au moins, Thau Agglo compte poursuivre la concer- tation tout au long de l’élaboration des projets ; une démarche vertueuse qui s’inscrit dans les critères de labellisation éco-quartier.

2/3 – LES FOLIES DE MONTPELLIER

Ode à la création contemporaine, la ville a retenu deux folies archi- tecturales du XXIe siècle sur les douze initialement prévues. Toutes deux rivalisent d’originalité, en bousculant les codes, et veulent se faire l’écho des folies XVIIe – XIXe siècle, que la haute société mont- pelliéraine se construisait dans la campagne environnante, pour s’évader…

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« Folie divine », les vagues à l’âme
Première des deux folies, l’immeuble « Folie divine » ressemble à une sculpture tout en courbes harmonieuses, soulignée de couleur alu et blanc et de transparence. Farshid Moussavi, son architecte anglo-iranienne, l’a conçu pour être un sommet de l’élégance. Soit neuf étages posés au bord du ruisseau de la Lironde, les avancées et retraits des terrasses ondulant comme des vagues, ou des nuages en strates. Certaines devraient profiter de l’ombre du balcon supé- rieur quand d’autres, sans débord au-dessus, disposeront d’un épais rideau extérieur, blanc, pour filtrer la lumière et les transformer en loggia. Promesse : aucune de ces terrasses ne donnera vue sur une autre. Cette folie de trente-sept logements – 4 ou 5 par étage avec commerces en rez-de-chaussée – est un programme haut de gamme qui s’est écoulé à 5000€ le m2 en moyenne. Le chantier vient de démarrer à la croisée de l’avenue du Mondial 98 et du ruisseau de la Lironde. Cette « Folie divine » parachève la ZAC des Jardins de la Lironde dessinée par l’architecte Christian de Portzamparc qui l’avait présentée, il y a une quinzaine d’années, comme « une cité jardin contemporaine.» Une nouvelle façon d’habiter entre les ZAC de Port et de Parc Marianne et Odysseum.

L’Arbre blanc, le dedans et le dehors
Extravagante, insolite, fantasque… La tour de l’Arbre blanc qui démarre rive gauche du Lez, au rond point Richter, a fait parler de Montpellier… En faisant beaucoup de bruit. Cette œuvre d’un architecte japonais Sou Fujimoto sera la dernière folie de la ville. Fujimoto a donné à son immeuble, la forme d’« un tronc hérissé de vastes terrasses saillantes, comme les feuilles d’un arbre, qui réconcilient ses habitants avec l’architecture et avec la nature. » Une tour de béton dont les innombrables balcons, jardins et ombrières qui jail- lissent à l’extrême, devraient donner aux futurs propriétaires… le sentiment de vivre sur les branches d’un arbre. L’architecte qui a déjà réalisé plusieurs projets inspirés de la forêt, a pensé son édifice montpelliérain comme un accommodement entre habitat vertical et vie dehors, en lui dessinant des terrasses aux surfaces qui s’étendent au fur et à mesure qu’on s’élève : chacune prolongeant le logement d’au moins la moitié de la surface intérieure. L’origami géant blanc va dominer le quartier de ses 17 étages, et 56m de haut, près de Port Marianne, à mi chemin de l’Ecusson et du centre ludico- commercial d’Odysseum. Aux 120 logements de luxe (2 à 5 pièces, vendus entre 4300€ et 5500€ le m2) vont se mêler des bureaux, un restaurant, une galerie d’art, et aussi un bar panoramique au sommet, public. Gageons que l’Arbre blanc, qui veut être en phase avec les conditions du climat local, préserve un certain art de vivre dans ce dedans-dehors à la verticale.

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4 – L’ARGENT POUR PLATINIUM
Pyramide d’argent 2016, à Port Marianne

Rive droite du Lez, côté chemin de Moulares, au pied de la nouvelle mairie, les immeubles qui sortent ou vont sortir de terre, rivalisent d’ambition esthétique futuriste. Ainsi Platinium a été apprécié par le jury des Pyramides d’argent, organisé par la Fédération des promoteurs immobiliers, comme le projet le plus atypique du moment. L’immeuble offre un aspect très aérien, comme en lévitation au-dessus du Lez. « Il est posé sur des pilotis à 7m du sol, dont on a limité le nombre pour une transparence maximum et les halls d’accueil vont être entièrement vitrés afin de dégager la vue sur le parc de la mairie, pour les passants » résume François Roux, d’Imagine architectures. Une grande façade, coté est, conçue comme un miroir va être couverte de plaques d’alu et d’inox, les unes réfléchissant la lumière du soleil, les autres renvoyant des reflets diffus, le tout changeant d’aspect en fonction du temps. Côté sud, la façade en béton lasuré couleur or va absorber la lumière, pendant que toutes ses serrureries galbées et perforées l’animeront de reflets différents selon le soleil. La façade ouest entièrement végétalisée fera dégouliner le long de treillis des chèvrefeuilles, des jasmins ou des plantes grimpantes à même de supporter le gel de l’hiver autant que les heures les plus chaudes de l’été, grâce à une ombre portée. Les toitures, quant à elles, seront sans doute les premières de la ville à être végétalisées avec des graminées, ou transformées en jardin d’ oliviers et de tamaris avec possibilité de créer des jardins potagers. A l’initiative des habitants. « Nous avons cherché un équilibre des surfaces minérales et végétales » résume François Roux. Pas si courant ici.

5 – LE TARAN, UNE (PAS SI) LOURDE RÉHABILITATION
Pyramide d’argent de l’innovation industrielle

Le programme de 63 logements, créé dans le quartier historique et bourgeois du Busca, au cœur de Toulouse, est le résultat d’une métamorphose. Le chantier a été « spectaculaire » selon son architecte Henri Balducchi, et « très particulier ». Sous contrôle des Bâtiments de France. « Cet habitat haut de gamme a pris place dans quatre anciens bâtiments de l’URSSAF construits au fil du temps (années 65 à 85), et jamais au même niveau. Ils ont amené des contraintes techniques différentes et nécessité des interventions complexes, et très précautionneuses pour faire coïncider les deux » explique-t-il. De ces 5000m2, tous les murs, planchers, poutres, cages d’escaliers et certains treillis d’ascenseurs ont été conservés. « Nous avons évité les démolitions, les tonnes de béton à évacuer et l’impact très lourd sur le voisinage. » Toutes les façades refaites, ont été isolées de l’extérieur et habillées de terre cuite, offrant au bâtiment une très bonne inertie, tout en reprenant l’aspect de la brique de Toulouse. Des balcons et des terrasses ont pu y être fixés grâce à un système de structures métalliques évitant les ponts thermiques du béton. « Nous n’avons pas voulu re créer une architecture de bureau, anachronique dans ce quartier. Ça a coûté aussi cher que du neuf, mais nous avons misé sur de vraies prestations à l’intérieur des logements, sur les façades et dans les parties communes » résume Henri Balducchi. Cet habitat à haute performance énergétique a aussi conservé deux anciens patios intérieurs plantés de vénérables magnolias et de plaqueminiers.

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6 – RÉSIDENCE BOIS SOLEIL, ZAC DE BORDEROUGE

« Faire des logements réellement qualitatifs à bas coût, pour des primo accessions et des logements sociaux. » Les deux architectes de 109 Architectes et une paysagiste ont démontré que c’est possible en concevant un îlot de 35 appartements BBC (T3 au RDC et T4 duplex au 1er). Tous sont traversants et ouvrent sur de larges pelouses arborées, en lisière de la Zac. « Nous nous sommes inspirés des conceptions nordiques où prévaut la notion d’espaces très partagés à l’extérieur » résume l’architecte Paola Rocca. En faisant l’économie des parties communes (hors locaux à vélos). Et tout est en bois : l’ossature dans laquelle est intégré un isolant protégé de la pluie par un film coloré, lui même abrité par un bardage à claire-voie, qui sert d’enveloppe aux bâtiments. L’accès aux maisons à l’étage se fait de l’extérieur, par des passerelles reliées à un ponton qui longe le jardin central, et se faufilera bientôt entre des arbres. « Personne ne passe devant la fenêtre du voisin » précise-t-on. L’eau sanitaire est chauffée par capteurs solaires, et des panneaux photo- voltaïques couvrent toute la toiture. « La vente de l’électricité à EDF a permis une balance côté maîtrise d’ouvrage » indique l’architecte.

Le parking, engazonné (une obligation de la ZAC) est un peu encaissé pour laisser une vue dégagée. Ont été prévus un espace à compost et une noue paysagée pour récupérer les eaux de pluie et arroser. « Il a fallu pas mal batailler avec la maîtrise d’ouvrage pour conserver l’essentiel du projet paysager » note Paola Rocca. Dans cette ZAC « qualitative en terme d’architecture », avec un parc public (13 ha), des squares et jardins partagés, les bâtiments sortis au fil du temps, ne sont pas tous restés à taille humaine. Dommage pour cet îlot qui pâtit des ces vues.

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7 – LE NEWTON, RÉSIDENCE ÉTUDIANTE ULTRA CONNECTÉE
Pyramide d’argent 2016 de la résidence connectée.

Sur cette même Zac, des étudiants vont pouvoir loger dans la première cité U « intelligente » de la région, où absolument tout sera connecté. On pourra y gérer, via des applis smartphone, les consommations d’énergie (eau, électricité) et piloter en temps réel l’usage d’un radiateur, de l’éclairage, de la télévision ou des volets roulants. « Chacun saura ce qu’il consomme point par point, et pourra mettre une alerte pour ne pas dépasser le budget énergie mensuel qu’il se sera fixé » fait observer Pierre Aoun, le promoteur. « L’idée n’est pas de tout se faire dicter par un smartphone, mais de prendre conscience de sa facture énergétique et de la réduire. » Un affichage dynamique dans le hall d’entrée donnera les heures de métro, la météo, l’énergie consommée par la résidence. Quand la laverie annoncera en temps réel la disponibilité de ses machines, les boîtes aux lettres enverront un message dès qu’un courrier ou un recommandés y sera déposé, avec un mot de passe pour le récupérer. Quant aux ascenseurs autonomes en énergie, ils ne tomberont jamais en panne, l’eau sera chauffée par des pompes à chaleur, et le parking sera doté de bornes de recharge électrique. « Nous sommes aux prémisses du 100% connecté, mais déjà toutes les technologies actuelles y sont » résume Pierre Aoun qui a conçu son projet avec des start-up locales (Citymeo, MobilyGreen).

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