Variée et étrange, inédite et inclassable, pléthorique… La programmation de la Saison Moondog ressemble à l’œuvre écrite par l’artiste à l’oreille absolue qu’elle célèbre. Sa force ? Son œcuménisme. Le rendez-vous fédère différents acteurs et différents lieux culturels. Il étire son emprise depuis la Ville rose, en passant par le Tarn avec le GMEA-Centre national de création musicale (Albi) et le Gers dans la salle L’Astrada (Marciac), jusqu’à la 5e Avenue à New York.

« Chaque spectacle s’appuie sur un élément du répertoire de ce sans-abri devenu aveugle à 16 ans, qui déclamait ses poèmes dans les rues de Big Apple affublé d’un casque de Viking, explique Hervé Bordier, le directeur artistique de l’événement. Chaque acteur reste libre d’interpréter le personnage et son œuvre. » Le champ des possibles est vaste : Moondog a composé un millier de pièces, dont 81 symphonies.

Bach, la 5e avenue, le symphonique
Le challenge est osé, porté toutefois par deux passionnés : Hervé Bordier, qui chapeaute par ailleurs Le Metronum à Toulouse, et Amaury Cornut, conseiller artistique de la Saison et auteur d’une biographie consacrée à Moondog (éditions Le Mot et le Reste ; 15 euros). « Notre rencontre il y a deux ans, autour de la rédaction du livre, a tout déclenché, ajoute Hervé Bordier. Ça a fait “tilt”… Enfin surgissait l’opportunité d’offrir à Louis Thomas Hardin, alias Moondog, la reconnaissance artistique qu’il n’a pas connue de son vivant. »
Un paradoxe pour un homme érigé au rang de mythe par les icônes du rock, du jazz, de la pop, de l’électro depuis les années 1950 à nos jours : Charlie Parker, Janis Joplin, Tom Waits, Debbie Harry, Damon Albarn, Alain Bashung, Stephan Eicher… Tandis que son nom n’évoque pour le profane qu’une image : celle d’un excentrique à l’allure christique, doté d’une stature de Commandeur et d’une barbe foisonnante.

Hors du temps et universel
Moondog a titillé au moins une fois les oreilles du quidam toutefois. « The Big Lebowski » fait jouer « Stamping Ground » dans l’une des scènes cruciales du film signé par les frères Cohen. « Theme » sert de support à une publicité de la marque Decathlon. Le musicien et compositeur réussit à survoler les époques en abolissant les frontières. Imprégnée par Bach et la musique ancienne, son œuvre est aussi déterminée par les répertoires tribaux et primitifs.
« C’est là que résident l’étrangeté de l’artiste et son génie, l’envie de le faire découvrir aussi, conclut Hervé Bordier. Il se considérait comme un musicien classique, le classique l’ignore. Il revendiquait son opposition à la musique moderne, il reçoit son admiration. » La Saison Moondog raconte cette histoire. Elle offre aussi à l’artiste de conjurer ce quiproquo en réalisant post-mortem son rêve ultime : faire jouer ses symphonies par un grand orchestre classique, l’Orchestre national du Capitole. Envolée finale le 29 juin à Toulouse.

Saison Moondog, jusqu’au 29 juin.
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