En mars dernier, Jérôme Souillot était invité par Christian Rizzo, directeur du ICI-CCN, dans le cadre d’une exposition collective. L’artiste investit cette fois (jusqu’au 12 décembre) les murs de la chambre d’écho pour son projet solo Je reste là, conçu spécifiquement pour le centre chorégraphique.

Acteur, danseur, scénographe aux côtés de Corinne Lamaison, Jérôme Souillot vit à Toulouse et est un habitué des arts de la scène. Mais, depuis trois ans, le dessin qu’il pratique depuis son enfance semble prendre une place évidente. « Comme si j’avais percé la bulle et que mon univers se rassemblait dans la pratique du dessin et de la peinture », dit-il d’une voix calme, posée.

Images sur fond blanc épinglées dans des boîtes en plexiglas, décalcomanies géantes posées au sol ou grands formats flottant sur un mur blanc… c’est un parcours aux parois mouvantes que révèle Jérôme Souillot. En jouant avec les changements d’échelle pour présenter ses paysages morcelés et ses bosquets imaginaires, il déstabilise le visiteur, l’invitant à s’immerger dans sa propre histoire. « Mon travail est un endroit de projection, explique le plasticien. Chacun peut emprunter le tunnel qui s’ouvre sous une colline ou pénétrer la percée de jour à travers le feuillage. » Cette frontière entre le réel et l’imaginaire, l’artiste l’a longuement appréhendée avec sa série La nuit dernière. Chaque jour, depuis deux ans, il réalise une vision du rêve de sa nuit. « Plastiquement, je viens d’un trait graphique plutôt noir et blanc. La couleur est arrivée avec ce projet, sorte d’instantané de mes rêves. De ce travail sur le détail, pour être au plus près de mes rêves, est né le désir de lieux émergeant du blanc », auto-analyse Jérôme Souillot, qui a fini par dompter la couleur qu’il croyait jusque-là « réservée aux adultes ». Dans ses paysages, la couleur étincelle et vire parfois au polarisé même si son jaune fluo se tempère de vert profond. Inspiré du Street art (il a réalisé une grande fresque murale au Pavillon blanc à Colomiers), le plasticien travaille à l’encre acrylique Molotow, hautement pigmentée et très couvrante. Sans dessin au préalable, à l’intuition, il mixe sa propre palette et assume une totale liberté dans le trait. « Je m’inspire de la nature, mais je ne suis pas de règle précise. Ainsi, il n’y a aucune ombre dans mes dessins et je ne suis pas non plus rigoureux sur l’exactitude des végétaux. »
De son travail émergent de multiples inspirations – Kate Bush, sorcière des forêts, l’expressionnisme graphique du dessinateur Christophe Blain ou l’ode à la nature de Colette. Fasciné par les fonds de décor, dans le cinéma ou le dessin animé, Jérôme Souillot regarde le monde qu’il pourrait réinventer, parfois avec des yeux d’enfant lorsque ses tunnels semblent surgir d’une maquette ferroviaire. Avec Je reste là, le temps semble suspendu. « Se perdre pour mieux se (re)trouver », aime dire Jérôme Souillot. C’est exactement ce que peut ressentir le visiteur en sortant de cette exposition.

Je reste là, jusqu’au 14 décembre, La chambre d’écho, ICI-CCN, boulevard Louis Blanc, Montpellier. Entrée libre

Le dessinant

Depuis maintenant sept ans, Jérôme Souillot organise, dans des lieux publics (événements, festivals, bars, parcs…), des performances graphiques. Installé à une table, il dessine ce qu’une personne lui confie. « Il faut que ce soit quelque chose d’important, une histoire, un souvenir, un secret. Le dessinant n’est pas dessinateur public (…) ni juge, ni prêtre ou psychiatre ou parapsychologue, il est juste celui qui dessine. »
À la fin de la soirée, les dessins des confidents, portant le titre, le prénom et la date de l’échange, sont exposés sur les murs. « J’aime l’idée de fabriquer un objet artistique basé sur la connivence entre deux personnes qui ne se connaissaient pas quelques instants plus tôt », confie Jérôme Souillot.