Installer des agriculteurs sur des terrains inutilisés pour développer l’agro-écologie et produire des aliments sains vendus localement. Montpellier Métropole Méditerranée (M3M) s’y est concrètement attelée depuis 2015, avec les appels à projets, pilotes, qu’elle a lancés pour recruter des producteurs. Isabelle Touzard, vice-présidente déléguée à la politique agro-écologique et alimentaire, fait observer « sur le foncier dont nous disposons, nous avons identifié 200 hectares de terrains où développer une agriculture nourricière saine. Les projets alimentaires que nous aidons à mettre en place doivent être créateurs d’emplois durables, et permettre de mettre en place une agriculture diversifiée (maraîchage, petit élevage, arboriculture…) avec des circuits qui renforcent le lien avec les consommateurs », résume Isabelle Touzard. Des fermes ouvertes par exemple, ou des marchés.

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Depuis plusieurs années, la Métropole a en effet constitué des réserves foncières dans cette optique, son territoire se composant, pour un tiers, de terres fertiles fortement soumises à la pression urbaine – en 15 ans, 41 % des exploitations agricoles ont disparu. Une étude de préfiguration* menée par l’INRA pour M3M montre aussi que 40 à 50 % des terres qualifiées d’agricoles dans le PLU ne sont pas cultivées. « Cette question alimentaire a été souvent sous-estimée dans les politiques publiques. C’est pourtant un besoin vital au même titre que l’eau. » Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, s’est engagée lors de ses vœux, fin janvier, en faveur de l’agro-écologie. Et pendant qu’il présentait les siens, Philippe Saurel, le président de la Métropole, a fixé un objectif très ambitieux : « dans les cinquante ans à venir, la Métropole doit être capable de produire l’alimentation dont elle a besoin. »

Une demande de nature en ville
Une première phase de 14 hectares a permis d’amorcer le mouvement : 9 hectares en zone périurbaine ont déjà permis l’installation (avec le Département) sur un espace test du domaine de Viviers à Jacou, de Terracoopa, une coopérative incubatrice d’exploitations agricoles. Une exploitation agricole a pu s’agrandir et un maraîcher se réinstaller après une expropriation liée au déplacement de l’A9. Cinq hectares en site urbain, à la Condamine, près d’Euréka, vont, eux, être consacrés à la culture de produits maraîchers, à l’arboriculture et à l’élevage de poules. « Toutes les communes de l’agglo sont sollicitées afin d’élargir l’essai à une échelle plus pertinente et constituer un “portefeuille” de foncier qui permette de diversifier les projets, explique la vice-présidente. Il s’agit de co-créer de vraies exploitations, avec un contrat qui fixe des engagements de part et d’autre. » à cette première étape d’un édifice ambitieux et de long terme – assez complexe à mettre en place – s’ajoute le potentiel que représente le Pôle de transformation alimentaire inauguré il y a peu, à Mercadis, Marché d’intérêt national, pour la restauration collective locale notamment. Dans ce Marché-gare de Montpellier transitent, entre autres, les fruits et légumes mais aussi la viande et les poissons de producteurs locaux, soit 40 % de la distribution.

La Ville, elle, a développé depuis 2003 des jardins familiaux (à ce jour, 3 jardins de 50 parcelles) loués à des particuliers par tirage au sort. Elle accompagne aussi la création de jardins partagés (21 à ce jour) à l’initiative de citadins. « Ces jardins amateurs sont à usage personnel. La demande est forte et en augmentation », observe Pascale Scheromm, chercheuse à l’INRA de Montpellier (UMR  « Innovation dans l’agriculture et l’agroalimentaire »). « Ils correspondent plus à une demande de nature en ville et de liens sociaux, qu’à de l’alimentaire », note-t-elle toutefois. La Ville entretient aussi l’Agriparc du mas Nouguier – 10 hectares de vignes et d’oliviers entre Ovalie et les Grisettes, devenu un lieu de balade pour citadins. Elle a soutenu la création en 2010, de VerPoPa, un verger potager partagé de 3 000 m2 à Malbosc, premier lieu d’expérimentation de la permaculture à Montpellier. « L’agriculture intra-urbaine et biotechnologique avec, par exemple, des cultures nourricières sur les toits, n’existe pas ici. C’est encore l’apanage des grandes métropoles », constate la chercheuse.

Une agriculture nourricière
Toutefois de nombreuses initiatives se font jour dans l’agglomération et autour. En permaculture, notamment. La méthode inspirée des potagers d’autrefois, permet de cultiver, sans pétrole ni pesticide, une grande variété de produits, sur de très petites surfaces, en créant des écosystèmes cohérents et auto-fertiles. Et avec de très bons rendements, puisqu’elle permet dans les conditions idéales, de produire autant sur 1 000 m2 que sur un hectare (des particuliers parvenant à produire 350 kg par an de petits fruits et légumes sur 25 m2). « Beaucoup de personnes cherchent à faire du maraîchage, en bio pour 80 % d’entre eux, et une bonne moitié projette de produire en permaculture », constate Guilhem Vrécord-Mitel, chargé de mission au Point accueil Installation de la chambre d’agriculture. « Ces intentions manifestent un intérêt fort, mais il y a encore du chemin avant de nourrir toute l’agglomération », ajoute-t-il. Selon les observations de ce Point accueil, plus de 300 personnes ont pris le statut d’agriculteur en 2015, dont 200 pour cultiver la vigne. Les circuits courts qui se diversifient, par le biais des AMAP, des magasins de producteurs, des drive-fermiers ou des groupements d’achats, témoignent quant à eux de l’engouement pour la relocalisation et les produits sains.

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Pour développer une agriculture nourricière qui réponde aux besoins de toute la Métropole, Valérie de Saint Vaulry, chargée du marketing territorial à M3M, rappelle l’étude menée par l’Inra. « La superficie cultivée dans la Métropole et ses environs est largement inférieure à celle qui serait nécessaire pour nourrir l’ensemble de la population. L’idée est d’attirer l’attention de chacun sur ce qu’implique manger local en termes d’empreinte écologique ou de développement d’emploi. » Et peut-être aussi de développer de vraies coopérations entre des territoires « consommateurs » tels que la Métropole et les territoires producteurs que sont la plaine de Mauguio toute proche et l’arrière-pays. La communauté de communes du Grand Pic Saint-Loup (36 communes, 46 000 habitants, 92 % d’espaces naturels et agricoles) élabore actuellement un SCOT dans lequel va être mis en œuvre un projet d’aménagement et de développement durable allant dans le sens d’une telle agriculture.

La Métropole peut aussi compter sur la recherche scientifique, bien représentée ici. Une agriculture intelligente, autrement dit « smart agriculture », est développée par Smag. Cette entreprise spécialisée dans l’agriculture connectée développe des solutions pour concilier à la fois performance économique et préservation environnementale. Montpellier dispose aussi d’une chaire Unesco « Alimentation du monde » créée au sein de SupAgro. Ce label a été renouvelé en 2015, pour une nouvelle période de quatre ans. Une quinzaine d’unités de recherche travaillent ensemble sur le programme « surfood » afin de promouvoir des systèmes alimentaires urbains durables. Des circuits courts se créent aussi dans la recherche. Myriem Lahidely

* « Construire une politique agricole et alimentaire pour la métropole de Montpellier. Étude de préfiguration », mai 2015.