Installées sur 1000 m² en rez-de-chaussée des anciennes Halles Sud de France, à côté du parc des expositions, les Nouvelles Grisettes dispose désormais d’un bel écrin. À la fois atelier de confection, magasin de marques et créations d’Occitanie, café-restaurant géré par Mon Cuisinier, ce nouveau tiers lieu bouclait ici cet automne une étape haletante de sa genèse. Inauguré en grande pompe en présence de nombreux élus locaux et partenaires privés, il propose au grand public vêtements, linge de maison, sacs et chaussures, accessoires et décoration, mais aussi ateliers et événements, grâce à la création d’une douzaine d’emplois. À l’adage qui veut que, seul, on aille plus vite mais, qu’ensemble, on aille plus loin, Les Nouvelles Grisettes ont au passage offert un cinglant contre-exemple, menant tambour battant leur aventure collective expresse et stimulante.
« Le déclic a eu lieu dès les tout premiers jours du confinement, mi-mars 2020 », explique Muriel Fournier, présidente de l’association et par ailleurs gérante d’Espace Propreté, une société de nettoyage. « Faute de masques, je ne pouvais pas protéger mes salariés. » Muriel Fournier contacte alors la créatrice de mode montpelliéraine Caroline Bouvier, membre comme elle du réseau Femmes d’entreprises, pour lui passer commande. Mais d’autres entrepreneurs qu’elles ont eu cette idée ! Et à la couturière certes solidaire, deux problèmes se posent : d’une part son atelier est officiellement fermé, ce travail ne peut donc être que bénévole ; d’autre part, les tissus de qualité et les élastiques qu’elle utilise coûtent cher et la quantité à fournir se compte en milliers.
La créatrice décide alors d’activer son réseau et lance un « SOS masques » sur Facebook que reçoivent 5/5 une soixantaine de ses consœurs et confrères. De son côté, Muriel Fournier lance une cagnotte sur la plateforme helloasso.com. Mi-mai 2020, elle atteindra la somme de 18 000 euros.

 

De fil en aiguille
Dans l’intervalle, exacerbée par la crise, la situation précaire de nombre de ces créatrices et créateurs de mode, couturières et couturiers souvent isolés, saute aux yeux des deux femmes d’entreprises et les émeut : « L’une d’entre elles dormait dans sa voiture tout en travaillant pour SOS masques ! », témoignent-elles. Se pose alors la question de la meilleure manière d’utiliser cet argent. De fil en aiguille, SOS masques a généré des commandes plus variées, comme des blouses et des charlottes pour des infirmières, mais aussi des pochettes d’ordinateurs ; Caroline Bouvier doit, en cette fin de premier confinement, retrouver ses clients et reprendre son activité et son atelier ; quid de cette dynamique salvatrice engagée qui a sorti certain-e-s couturières et couturiers de leur solitude ? L’idée que nourrit Caroline Bouvier depuis si longtemps n’a-t-elle pas trouvé son heure ? Pourquoi ne pas créer un tiers lieu dédié à la mode, basé sur l’entreprenariat participatif ?

Muriel Fournier est enthousiaste ! Elle contacte aussitôt son ami Roger-Yannick Chartier, spécialiste du financement des entreprises (alors en campagne sur la liste de Michaël Delafosse et désormais adjoint au maire de Montpellier), tandis que Caroline recrute Richard Préau, créateur de la marque Grand Travers et fin connaisseur du milieu de mode. En une poignée de jours, les quatre fondateurs enfilent les réunions comme les perles, « au départ en visio, à cause du confinement, puis à l’atelier, en catimini, parce qu’on avait besoin de se voir vraiment », avoue Caroline. Et très vite d’autres personnes s’agrègent au canevas : comptable, avocat, attachée de presse – sa fille étudiante dans le secteur du luxe… Rapidement « le nom Les Grisettes est sorti, mais ça faisait référence au passé ; j’ai proposé Les Nouvelles Grisettes », se souvient Andrée Avogadri, l’attachée de presse bénévole de l’association. Prestissimo, fin mai, un lieu provisoire est trouvé dans les locaux même de Pays de l’Or Agglomération, à côté de l’aéroport.

 


40 000 euros de chiffre d’affaires

Et tout s’enchaîne, notamment les commandes. Avec les 18 000 euros, les premières machines à coudre professionnelles ont été achetées, un matériel spécifique pour des points particuliers. Malgré le second confinement de l’automne, « en 2020, nous avions déjà fait 40 000 euros de chiffre d’affaires », se félicite Muriel Fournier, nommée présidente de l’association.
En juin 2021, la présidente d’Occitanie/Pyrénées-Méditerranée est en campagne pour sa réélection – décidément ! Carole Delga est contactée par l’association, sans que, là encore, « aucun lien de cause à effet ne soit à établir », jure l’association. Il leur faut quitter les locaux de Pays de l’Or Agglomération, or, non loin, se trouvent ceux des anciennes Halles Sud de France, dont la Région est propriétaire. Dès la fin juillet, l’affaire est conclue ; la Région prendra en charge de manière dégressive la moitié du loyer pendant trois ans. En toute cohérence, concomitamment, Les Nouvelles Grisettes rejoignent le pôle Réalis, dédié aux entreprises de l’économie sociale et solidaire d’Occitanie.

Alors que le sort des Grisettes de Montpellier, jadis, blanchisseuses, teinturières, mercières, brodeuses… ne tenait souvent qu’à un fil, la crise du Covid a fourni aux Nouvelles une improbable opportunité de résilience.
Leur projet tonique et ambitieux, dans ces vastes locaux, se veut « résolument ouvert sur le monde extérieur, pour garantir sa pérennité », prophétise Muriel Fournier.
À la fois lieu de production et espace de vente, convivial grâce au café-restaurant et aux événements qui jalonnent déjà la saison 2021-22, Les Nouvelles Grisettes s’ouvrent en effet à un avenir chic et prometteur.
www.lesnouvellesgrisettes.com

À partir du 25 octobre et jusqu’à fin novembre, la filière denim sera mise à l’honneur chez Les Nouvelles Grisettes. Les murs se pareront de la célèbre toile bleue pour accueillir une programmation 100 % jean : ateliers de démonstration, ateliers upcycling, sélection spéciale dans le Grand Magasin.
Pour l’occasion, une conférence donnée par les porteurs d’un projet novateur sur le jean en chanvre, la coopérative VirgoCoop, l’atelier de tissage du Passe Trame et la marque Tuffery (date en cours).

Fragments, le salon des métiers d’art d’Occitanie

Du vendredi 19 au dimanche 21 novembre se tiendra à La Cité de Toulouse la 1re édition consacrée aux métiers d’Art d’Occitanie
Au programme, une exposition-vente, des démonstrations, des échanges et des rencontres avec les artisans d’art.
4 000 entreprises représentent le secteur en Occitanie. Cette 1re édition présentera les savoir-faire spécifiques liés au travail du bois, des métaux, du verre, du textile, du cuir ou de la pierre…
Renseignements sur www.artisanat-occitanie.fr

Légendes :

1- Près de 40 créateurs et marques de la région proposent à la vente leurs produits fabriqués localement, dans l’espace agencé par l’architecte montpellierain Jaouen Pitois. DR
2- Les 4 fondateurs : Muriel Fournier, Roger-Yannick Chartier, Caroline Bouvier, Richard Préau.
3- Flora, stagiaire, en CAP de couture et métiers de la mode.
4- Jérôme Blin, couturier à Montpellier, thermoforme la structure de ses robes à la colle à chaud.
5- Sac de chez Zézé&Lili, créé au Grau-du-Roi à partir de filet de pêche et chutes de cuir. Un « espace shooting » est également prévu à terme pour réduire les frais de communication.
6- Clara Avogadri, étudiante en master marketing de la mode & du luxe, impliquée dès le début dans la stratégie communication et réseaux sociaux, également dans la prospection de nouveaux créateurs.
7- Nadège Calcavecchia, créatrice de O’fil de Prospérine, a fait un stage de 15 jours chez Les Nouvelles Grisettes et n’en est pas repartie. Sa philosophie : l’upcycling (Sacs et accessoires femme).
4- Dans l’atelier de confection. Le groupe d’assurance mutualiste AG2R a permis aux Nouvelles Grisettes d’acheter des machines à coudre supplémentaires, le mobilier et les enseignes pour 49 000 euros.
Photos FM/artdeville