Des roches sédimentaires à l’ADN d’une cellule, sur Terre ou dans le cosmos, dans le vide ou dans le plein, tout n’est qu’affaire de plis. Mouvement de la vie, le pli serait aussi celui de l’âme, c’est en tout cas ce qui se dégage en observant les sculptures de Chloé Genevaux et Guillaume Bounoure. Passionnés obsessionnels du pli, ces deux jeunes artistes architectes, qui fabriquent leurs œuvres à Montpellier, affirment avoir choisi cette voie pour « exprimer leur interrogation quant aux métamorphoses du monde. »

Rupture avec les normes classiques
Ils se sont rencontrés en 2003 à l’école d’architecture de Montpellier où déjà, tout les reliait. À commencer par ce rapport très intime à la matière qu’ils ont appris à expérimenter à Cantercel, un lieu unique proposant une expérience conceptuelle et globale de l’art de construire. « Cantercel a pour vocation de concevoir et mettre en expérience de nouveaux modes d’habitat au travers d’une architecture environnementale et organique. C’est là que nous avons découvert que nous n’étions pas obligés de faire des immeubles en béton », raconte, amusée, Chloé Genevaux, titulaire d’un doctorat en architecture sur le thème du pli.
Engagé dans des recherches d’espaces fluides, le duo travaille depuis quinze ans au processus de morphogenèse par le pliage. « Nous avons commencé par travailler sur l’optimisation de formes à partir de bandes pliées, explique Guillaume Bounoure. Mais pour passer à la réalisation de ces constructions à grande échelle et pouvoir réaliser des formes complexes, il a fallu développer nos propres algorithmes, ce qui a introduit la découverte d’une génération de formes nouvelles. »
Mobiliers connectés, projet sur le pli pour Airbus, construction d’une serre bioclimatique, écriture de trois ouvrages*… Chloé Genevaux et Guillaume Bounoure ont réalisé de nombreux projets singuliers, allant jusqu’à créer un collectif d’architecture expérimentale, porté par ce même objectif : entrer en familiarité avec les matières des pliages.

Architecture sculpture
« Enfant, j’écrivais de la poésie, je faisais de la peinture et de la sculpture et je rêvais de faire les Beaux-Arts. Il y a quatre ans, nous avons créé la société Bou-Ge (acronyme de Bounoure et Genevaux, NDLR) qui s’est substituée à nos activités. J’ai un peu l’impression de boucler la boucle », raconte Guillaume qui a pris de nombreux chemins de traverse – dont hypokhâgne – avant d’arriver à l’architecture, pour s’en détacher au profit d’une voie artistique. Un parti pris plastique pleinement assumé par les deux architectes qui enchaînent depuis un an les expositions : dans les galeries Vue sur Cours à Narbonne qui fut la première à repérer leur talent, Philippe Decorde à Strasbourg, Clément Cividino à Perpignan, et désormais Boisanté à Montpellier.
Éloignées des schèmes conceptuels traditionnels, leurs sculptures traduisent une profonde réflexion sur la matérialisation discontinue d’un phénomène continu. « Notre travail porte non pas sur la fonctionnalité des plis mais sur ces fragments d’infini qui disent beaucoup de la beauté des plissements de l’âme. Comme un second vêtement, ces plissements à échelle humaine forment un plus grand corps. La posture n’est pas figée mais comme suspendue dans le temps ». Avec Bou-Ge, chaque sculpture semble révéler l’invisible, avec comme point de départ, un geste simple : un pli qui se répète à l’identique. Pour modéliser ce pli en 3D, le couple travaille la matière (acier, bois…), à froid et fait appel, selon l’approche technique, à des entreprises professionnelles pour la réalisation de formes complexes.
Trace de stylo ou de pinceau, sillons fraisés comme autant de scarifications, coulures… les sculptures semblent parfois inachevées. « Nous ne sommes pas dans la recherche de la perfection, se défend Guillaume, mais plus dans un jeu sur la forme. » Jeu de miroir, entre ombre et lumière, dévoilant un visage, un animal… chaque visiteur pourra y trouver l’écho à ses propres attentes. Paréidolie, affirment les psychologues. Soit la faculté d’associer un stimulus visuel informe à un élément identifiable. En pensant différemment la dynamique du pli jusqu’à son immatérialité, Chloé Genevaux et Guillaume Bounoure réussissent à nous faire plonger dans une dimension purement phénoménale. Une mise en abîme jusqu’au boutisme.
* Chez Gallimard : Un nouvel art du pli ; La paille dans l’architecture, le design, la mode et l’art ; Le liège dans l’architecture, le design, la mode et l’art.

 

L’exposition Plis & replis, jusqu’au 4 janvier, présente aussi des œuvres de :

Alexandre Hollan
Bien connu des amateurs d’art, Alexandre Hollan a développé en France sa recherche de peintre et dessinateur autour de deux motifs inlassablement repris : celui de « l’arbre » et des « Vies silencieuses ». Sa collaboration avec de nombreux poètes a donné lieu à plus de 40 publications de livres d’art et d’artistes. Il sera également exposé au musée Fabre, à l’occasion d’une rétrospective qui lui est consacrée, suite à donation des quatre-vingts œuvres qu’Alexandre Hollan a faite au musée en 2017.

Jean-Luc Meyssonnier
La photographie est chez Jean-Luc Meyssonnier plus le blanc que le noir, et une détermination d’effacer l’ombre. Cet acharnement à transcrire l’essentiel caractérise sa démarche exigeante et austère. Une étude des surfaces d’où apparaissent d’étranges idéogrammes de la nature.

Inhee Ma
​Née en 1991, à Séoul, Corée du sud, Inhee Ma vit et travaille à Montpellier, où elle a obtenu le diplôme national supérieur d’expression plastique, option art. Elle exposait son travail sensuel éprouvant la souplesse de la peau et la rigidité du bois.