« La démocratie, longtemps considérée comme acquise, immuable, occupe cette année beaucoup de metteurs en scène du 31e Printemps des Comédiens. À l’heure de la présidence Trump, du référendum d’Erdogan et du retour des nationalismes en Europe, la question revient au cœur de certaines pièces, qui traitent la problématique tout en gardant le recul, l’humour et la grâce », déclare Jean Varela, directeur du festival depuis 2011.
Une-chambre-en-IndePour cette édition qui retrouve une durée d’un mois, du 30 mai au 1er juillet, il s’agit également de marquer la fin d’un cycle géré pendant trente ans par le Département de l’Hérault, avant de rejoindre le giron de la Métropole dans le cadre de l’application de la loi NOTRe. « Nous avons bénéficié d’un accord très important entre l’État et la Métropole pour cette édition très ambitieuse qui est aussi une façon de faire entendre que nos maisons ne tiennent qu’à la volonté politique », poursuit Jean Varela dont le programme cette année comprend entre autres Mnouchkine, Creuzevault, Castellucci ou encore Huppert en lecture de Sade.
Au-delà du prestige des grands noms, le festival qui précède chaque année Avignon a surtout inventé une médiation itinérante, qui voit Jean Varela plaider la cause du Printemps, de maison en local, d’appartement en association. Rigoureux, le directeur du Printemps des Comédiens a toujours été prompt à rencontrer les spectateurs chez eux afin de promouvoir la programmation du festival. Si l’iconographie populaire s’est autrefois enthousiasmée pour saint François d’Assise prêchant aux oiseaux, Varela ne s’en tient pas loin quand il affirme le plus naturellement du monde avoir enchaîné « une trentaine de rencontres » chez les particuliers ces dernières semaines ! Comme s’il redoutait que l’un d’eux ne manque le propos de Castellucci, dont la pièce Democracy in America s’abreuve de Tocqueville avec De la Démocratie en Amérique. Empathique, Varela explicite, souligne, rend le propos didactique en amont des soirs de première.
S’il se réjouit également de savoir le Théâtre du Soleil traiter de l’écueil du monde moderne avec humour dans Une Chambre en Inde au théâtre Jean-Claude Carrière, c’est qu’il s’agit moins d’aura que d’une réflexion perpétuelle sur l’engagement politique à la scène. Laquelle, par le prisme de la fiction, emmène le public à envisager les sociétés contemporaines sous un éclairage sensible, porté par une grâce propre au jeu d’acteurs et au souffle que peut procurer une mise en scène pertinente. Un état de grâce que Jean Varela explicite au fil des ans : « Il faut rester vigilant. Bien qu’une forme de légèreté traverse les œuvres, toutes les éditions que j’ai proposées ont été politiques, même si elles ne questionnaient pas la démocratie aussi clairement. Par essence, le théâtre est engagé. »

ISABELLE-HUPPERTUne problématique qui fait écho à la menace qui a pesé sur Sortie Ouest, sis au Domaine de Bayssan, où Jean Varela officie en tant que directeur artistique : « On ne se sent pas menacé à Béziers. Ce sont les idées réactionnaires qui sont menacées. Le public a défendu une ligne artistique à laquelle il est attaché. Il ne faut pas oublier qu’attaquer le théâtre, c’est attaquer le cœur même de la cité. Le théâtre ne touche pas seulement les gens qui s’y rendent. »
Au Domaine d’O, les pins maritimes et la bienveillance du Département ont toujours protégé le Printemps des Comédiens, qui opère un charme mystérieux sur les spectateurs attachés à l’atmosphère contemplative qui y flotte chaque début d’été. Entre le bassin, l’amphithéâtre ou la scène sous les micocouliers, des centaines de représentations se sont succédé, laissant parfois leur empreinte dans les lieux. C’est précisément dans cet espace sanctuarisé que les artistes peuvent se laisser aller à l’expérimentation, à la virtuosité comme à l’échec. Cette possibilité chère à Jean Varela s’explique probablement par ce qu’il désigne comme l’esprit « fraternel » du festival. C’est aussi le fruit d’une confiance pérenne en ce que peut être et peut faire l’art, au creux d’un monde moderne tourmenté.

Tout le programme sur :
www.printempsdescomediens.com

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