Augmentation du prix de l’énergie, flop de la Cop 26, visite du président Macron sur un site de production d’hydrogène décarbonée à Béziers… Cette séquence automnale 2021 de la transition écologique n’est pas sans interroger en Occitanie, où la Collectivité s’est fixé l’objectif de devenir la 1re région à énergie positive d’Europe. Au cœur de cet enjeu et parmi ses acteurs les plus dynamiques, la société Mint Énergie se distingue. Fournisseur d’électricité 100 % d’origine renouvelable, elle est dirigée par Kaled Zourray dont l’engagement sociétal est source d’énergie. Grâce à un chiffre d’affaires de 64,20 M€ en 2020, Mint et ses 200 000 clients mécènent des actions de reforestation, notamment celles du célèbre photographe Sebastien Salgado.

Interview

Qu’est-ce qui vous a amené à créer Mint Énergie alors que vous venez des télécom ?
Quand on a lancé nos premiers services en 1999, avec Budget Telecom, nous étions innovants et rapidement comme beaucoup de petites entreprises, ça a marché ; la société est entrée en Bourse. Mais ce qui était innovant alors ne l’était plus 10/15 ans après et face à des gros acteurs on n’avait plus notre place.
Vous avez été racheté ?
En 2014. On avait fait notre boulot avec Pascale, mon épouse à l’époque. Elle s’est retirée et moi j’ai conservé 8 % dans la structure ; le projet présenté me paraissait intéressant. Au final, c’est parti dans le mur. Le conseil d’administration m’a demandé si je voulais reprendre la direction de la société, j’ai dit ok, mais à condition de tout remettre à plat. L’ancienne équipe qui avait racheté est partie et on a fait un bilan : qu’est-ce qu’on sait faire ? Qu’est-ce qu’on peut faire ? On s’est dit que notre service informatique est super et qu’il sait développer des outils qui nous permettent de gérer de façon efficace et économique les clients particuliers.
On sait les trouver, via du marketing digital, sans que ça coûte trop cher et, donc, on sait proposer des offres low cost. Et aussi : quel projet aurait du sens ? Car tout le monde a besoin de sens, y compris dans l’entreprise, pour motiver les équipes. On s’est dit qu’on pouvait être fournisseur d’énergie, mais pas de n’importe quel type d’énergie.
Ça s’est vraiment décidé comme ça, en un brain-storming ?
Un brainstorming de fait, en discutant avec les uns et les autres. L’énergie, c’est quoi ? C’est vendre des électrons, c’est totalement dématérialisé aujourd’hui. Les télécom et l’énergie, tout le monde en a besoin. Après, comment se différencier ? Comment donner du sens à ce qu’on fait ? Rapidement la question de la transition énergétique s’est posée. Éviter le changement climatique, c’est de se tourner vers des fournisseurs d’énergie renouvelable.
C’est très simple, finalement !
Ça, c’était l’idée. Après, on a vu que c’était plus compliqué que les télécom ! Mais, ça s’est fait rapidement. La décision a été prise juillet 2016, en mars 2017, on lançait le service. On a fait beaucoup de partenariats, trouvé des producteurs d’énergie renouvelable…
Locaux ? Vous pouvez les citer ?
Quelques-uns sont locaux, mais ce n’est pas suffisant. [Kaled Zourray cite un groupe français très connu] Ils n’aiment pas qu’on les cite. Ils ont deux parcs éoliens dans le Haut Languedoc. En fait, on a beaucoup d’hydraulique, beaucoup d’éolien et un peu de solaire. Dans la région, c’est beaucoup l’hydraulique.
L’hydraulique, c’est peut-être bien pour le bilan carbone, mais moins sur la biodiversité…
Voilà ! Aussi le discours qu’on tient à nos clients est en triptyque : 1/ fournir de l’énergie renouvelable. 2/ inciter à la sobriété énergétique parce que c’est le plus efficace contre le changement climatique, l’énergie la plus propre, c’est celle qu’on ne consomme pas. 3/ qu’elle soit accessible au plus grand nombre. D’autre part, nous avons un partenariat avec des acteurs impliqués dans la reforestation, car on sait, en effet, que notre activité a un impact sur la biodiversité, indirectement via les producteurs.
Concrètement, cela se traduit comment ?
Nous participons à des programmes en Haïti, au Sénégal, en Tanzanie, en France également, dans les Landes. Une partie est financée par nos clients, l’autre partie par nous. À chaque fois qu’un client arrive chez Mint, on verse 2 € à notre partenaire reforest’Action. Nous avons eu 200 000 clients ; au total, cela représente 400 000 € investis, ce qui pour une PME n’est pas rien. Autre chose : pour pousser à la sobriété énergétique, on a mis en place un outil qui vous permet de contrôler en temps réel votre consommation, par une comparaison de semaine en semaine et de jour en jour.
Avez-vous songé à produire vous-même ?
Nous y travaillons effectivement pour 2022 grâce à un nouvel actionnaire, Eodène, qui vient du monde de la production et qui est un groupe montpelliérain. Le problème, en renouvelable, c’est qu’en France, il y a en ce moment un mouvement très fort contre l’éolien. Personne n’en veut près de chez soi ; les recours sont nombreux. Entre le moment où on décide d’investir et celui où sort le parc éolien, il faut compter 6 à 7 ans, ce qui est énorme. En Allemagne, c’est 2 ans !
On parle de plus en plus d’autoconsommation. Est-ce une piste que vous exploitez ?
Oui, avec notre offre Mintsolaire. Aujourd’hui, nous communiquons auprès de toute notre base clients pour les pousser vers l’autoconsommation. Pour cela, bien sûr, il faut être propriétaire d’une maison, avec une toiture orientée sud, et il ne faut pas qu’elle soit en secteur sauvegardé. On a 300 clients en autoconso et c’est en effet la solution idéale, surtout aujourd’hui, avec les prix qui augmentent. Mais c’est 10 à 20 % du marché.
Quand on parle d’autoconsommation, on parle forcément de photovoltaïque. Mais peut-on en fabriquer localement ou faut-il forcément passer par la Chine ?
Aujourd’hui, les panneaux photovoltaïques peuvent être montés localement mais pour les cellules, les Chinois ont 99 % du marché. Les Allemands disent faire du made in Germany parce que l’autoconso est beaucoup plus développée chez eux. Le prix de l’énergie étant beaucoup plus cher, ils rentabilisent plus rapidement. Mais c’est l’assemblage qui est made in Germany. Aujourd’hui les panneaux sont faits en Asie, Chine, Corée du Sud, Vietnam… mais sur des machines outils allemandes.
On parle pourtant de relocaliser l’industrie…
Oui. Déjà les batteries, pour produire l’énergie solaire. On installe des mega factories de batteries en Europe, Suède, Allemagne, France, et clairement, l’idée est de ne pas se faire avoir et que la technologie parte en Chine, qu’ils fassent des batteries à deux fois moins cher que nous. Par contre, pour l’éolien 80 % de la technologie et de la production est européenne, les turbines, les pales…
Le stockage bientôt aussi, alors ?
Le stockage, c’est soit l’hydrogène, soit les batteries ; et on est plus avancé sur les batteries que sur l’hydrogène, même si on a rattrapé notre retard. Le principe, c’est que dès qu’on a de l’électricité, on produit cet hydrogène, qu’on stocke et quand on n’a plus d’électricité, on utilise cet hydrogène pour produire de l’énergie.
C’est intéressant, mais vous avez l’air sceptique ?
J’ai l’air sceptique parce que ça va prendre du temps. En tout cas, il y a déjà des projets. Et des véhicules qui fonctionnent à l’hydrogène. Après, arriver à stocker et à distribuer cet hydrogène ? On en parle surtout dans le domaine du transport. Avec l’électricité aujourd’hui, vous pouvez recharger votre véhicule n’importe où avec une batterie. Si vous avez un véhicule propre à hydrogène, vous allez de nouveau dépendre de stations des gros acteurs du pétrole. Ça marche pour les transporteurs routiers, les bus, etc., les professionnels qui peuvent avoir leur propre station. Pour le grand public, la solution reste le véhicule électrique.
Mais comme celui du gaz, le prix de l’électricité augmente aussi…
Le prix du gaz a explosé, pour des questions géopolitiques [Kaled Zourray les explique en expert], or il y a beaucoup de centrales électriques en Allemagne qui fonctionnent au gaz. Ça fait augmenter les prix ; le marché est européen. Si l’électricité augmente en Allemagne, il augmente en France car les Allemands achètent aussi leur électricité en France ; les producteurs français s’alignent sur les prix allemands et vendent plus cher.
D’une certaine manière, ça nous profite alors ?
L’acteur qui engrange aujourd’hui un maximum de bénéfices, et tant mieux pour lui, c’est EDF. EDF vendait l’électricité 40 € avant la crise. Aujourd’hui, il la vend 200 € pour un coût de production identique. Ils vont donc annoncer pour 2021 des résultats extaordinaires, jamais atteints. L’État étant actionnaire à 85 %, ça va renflouer ses caisses ; il peut redistribuer en chèque énergie et compenser en partie la hausse des prix par une baisse des taxes, probablement à la rentrée 2022 – on est en période électorale. Comme pour le prix du carburant, les taxes sont importantes. Sur la facture d’électricité, l’électron, c’est 30 %.
D’autre part, pour favoriser la transition énergétique, l’État subventionne les énergies renouvelables parce que généralement le prix moyen du marché est de 40 € et que, pour pouvoir vivre, un producteur doit vendre à 80 €. Les premières années, l’État payait la différence. Sauf que, aujourd’hui, le marché n’est pas à 40 €, il est à 200 € ; en ce moment, l’État récupère la différence, c’est contractuel.

Mint mécène de l’exposition Amazonia, de Sébastien Salgado, et de Terra

Comment vous êtes-vous engagé dans une action de mécénat avec Sébastien Salgado ?
C’est un photographe brésilien très connu. Il a fait l’expo Amazonia à Paris à la Philharmonie, et quand nous l’avons appris, nous nous sommes portés volontaires pour être partenaires. Le sujet, c’est la déforestation et son impact évidemment sur la biodiversité, sur le réchauffement climatique. Nous sommes aussi partenaire de l’institut Terra qu’a créé Sebastien Solgado. Car il n’est pas que photographe et n’est pas là que pour sensibiliser. Cette expo est vraiment magnifique avec de très grands formats en noir et blanc, de superbes contrastes… Amazonia, ce sont que des images de ses populations, de ses forêts, de ses ciels… C’est vraiment magnifique.

Vous soutenez d’autres actions de Sébastien Salgado ?
Il a créé un institut qui s’appelle Terra, une fondation qui fait de la reforestation. Le film de Wim Wenders, Le sel de la terre [co-réalisé avec Juliano Ribeiro Salgado, le fil de Sebastien – NDLR] montre comment, lui qui vient d’une famille aisée brésilienne, a vu ses terres déforestées et comment cet endroit est devenu aride du fait de l’agriculture intensive pratiquée par ses parents. Il a lancé un programme de reforestation, il y a une quinzaine d’années, et elles sont redevenues luxuriantes. Cela montre qu’il est possible de reforester et que la nature peut retrouver ce qu’elle était avant que l’homme se l’approprie. n

L’exposition était visible à Paris jusqu’au 31 octobre 2021 et devrait être programmée à Avignon pour l’été 2022 pendant le festival (sans doute au Palais des papes). Elle est prise en charge par Mint à 100 % avec peut être une contribution de la Ville d’Avignon.

 

Légendes photos :

Indienne Yaminawá, État d’Acre, Brésil, 2016. © Sebastião Salgado

Rio Jutaí, État d’Amazonas, Brésil, 2017. © Sebastião Salgado