Elle est fan de Zaha Hadid, l’architecte anglo-irakienne décédée en 2016, prix Pritzker d’architecture, qui a laissé derrière elle un monument d’urbanisme aux formes affolantes, organique et d’avant-garde. « C’était une pure mathématicienne, elle a poussé les limites de l’architecture », admire Kadija Zbairi. Architecte DPLG, cette native de Montpellier revenue en 2017 dans la Métropole est une adepte du biomimétisme en architecture, une façon de concevoir des bâtiments écoresponsables érigés sous l’impulsion de la nature dont ils simulent ou reproduisent les processus naturels. Comme le système racinaire des arbres appliqué aux fondations, ou l’enveloppe tégumentaire des graines et fruits à coque pour remplacer les murs d’un bâtiment. Seule architecte à intervenir au cœur des débats lors des prochaines Assises de la transition agro-écologique et de l’alimentation durable, Kadija Zbairi s’essaye à la prospective à l’instar des romans de science-fiction qu’elle affectionne, parce qu’ils « développent une vision très noire de ce que pourrait être notre avenir proche et nous permettent ainsi d’éviter les écueils ».
Comment en effet concevoir l’architecture de demain en intégrant les notions d’agriculture urbaine, comment opter pour des systèmes alimentaires territoriaux durables, comment surtout préserver le capital bien-être et l’attractivité des villes ? Entretien.

Lors des Assises, vous animez un atelier sur la ville agro-écologique. Quelle notion renferme ce concept ?
La ville et la campagne se sont construites sur un malentendu féodal : ce sont les paysans qui doivent nourrir les citadins ! Or, si demain une ville doit poser l’objectif de sa souveraineté alimentaire, que met-on en place ? L’agro-écologie nous invite à repenser autrement le système alimentaire des villes et les pistes de réflexion sont nombreuses, que l’on s’inspire de techniques ancestrales comme l’agriculture en pleine terre (low-tech) ou les cultures hors-sol (high-tech). On pourrait par exemple imaginer des parcs agricoles urbains mixant arbres fruitiers et végétaux d’ornement qui soient à la fois des espaces de loisirs, de récréation et des lieux de production alimentaire. Ou reproduire les systèmes hydroponiques (agriculture hors-sol NDLR) développés dans les fermes urbaines de Singapour. Ou s’inspirer de Paris où l’agriculture urbaine poursuit son développement de façon très dynamique avec « La Caverne » dans le XVIIIe arrondissement, un ancien parking dédié à la culture d’endives et de champignons ; ou encore les Parisculteurs, un programme municipal qui met à disposition des espaces urbains inoccupés comme les toits-terrasses des Galeries Lafayette, pour y aménager des jardins potagers.
À quoi ressemblera la ville agro-écologique de demain ?
Mettre en place la ville agro-écologique, c’est tout d’abord envisager l’agriculture urbaine comme un élément programmatique à part entière, pour dessiner les contours d’une ville qui offrira sur son territoire des systèmes alimentaires durables en vue d’approcher la souveraineté alimentaire. Cela passe par des systèmes intégrés à différentes échelles, du bâtiment à l’urbain, en prenant en compte les données de l’écosystème ville. Concrètement, des sous-sols, des toits, des espaces intérieurs, extérieurs mais également l’enveloppe du bâtiment qui peut être conçue, en travaillant dans son épaisseur, comme un interstice cultivable.
Concernant l’approche urbaine, il s’agit de renoncer définitivement à la notion d’espaces « verts » et d’adopter celle d’espaces vivants. L’objectif d’une alimentation durable en ville et par la ville est l’opportunité d’une approche bio-inspirée de la programmation urbaine qui lie l’agronomie, l’écologie, l‘architecture et l’urbanisme.

Quel rôle les métropoles de Montpellier ou Toulouse peuvent-elles jouer ?
Les laboratoires de Montpellier se positionnent dans le peloton de tête de l’agriculture Indoor, à l’instar des Hollandais ou les Israéliens qui vendent leurs tomates hors-sol partout dans le monde (NDLR : l’université de Montpellier a été classée 1re au classement de Shanghai dans le secteur de l’écologie). C’est une vraie opportunité à saisir. Comme Toulouse avec l’aérospacial.

(1) Dans le cadre de « Montpellier Cités Jardins », la Ville de Montpellier a mis en place, le 2 octobre 2018, un Permis de végétaliser offrant aux usagers l’assistance technique de la Ville pour investir l’espace public au pied de leur immeuble ou de leur maison. En 2019, une centaine de lauréats seront retenus sur dossiers de candidature. Les formulaires d’inscription sont en ligne sur le site de la Ville : www.montpellier.fr

 

Montpellier, au sommet sur l’alimentation durable

Les 5 et 6 février 2019, au Corum, Montpellier accueillera les 1res assises territoriales de la transition agro-écologique et de l’alimentation durable. Les objectifs de ces rencontres-débats-conférences sont multiples : favoriser une alimentation saine et durable pour tous, inciter au développement de réseaux d’approvisionnement en circuit court de qualité, qu’ils soient urbains, péri-urbains, locaux, régionaux afin de poser les bases d’une politique agro-écologique ambitieuse, échanger, capitaliser les bonnes pratiques tout en contribuant au développement économique et à l’emploi local. En 2015, à Milan, la métropole de Montpellier s’était engagée dans le Pacte de politique alimentaire (PAC) avec plus de 100 villes du monde entier. Renouvelant cet engagement, la métropole accueillera en septembre 2019, le sommet des 179 villes signataires du Pacte de Milan.
www.assises-agroecologie-alimentationdurable.fr

 

L’Occitanie a fait de l’alimentation sa grande cause en 2018

Un pacte régional pour une alimentation durable sera adopté à l’Assemblée plénière du conseil régional du 20 décembre. Ce plan fixe des actions à finalités économiques, environnementales, sociales, sanitaires et culturelles ; il est destiné à favoriser la mise en place progressive d’un cercle vertueux impliquant chacun de ces secteurs. Une large concertation publique qui s’achevait le 15 décembre conforte la démarche grâce à la participation de 52 809 répondants. En Occitanie, l’alimentation mobilise près de 2 000 entreprises agroalimentaires et exploitations agricoles qui emploient 164 000 personnes, soit le premier employeur régional.