Ils se définissent comme des designers de la transversalité avec pour raison d’être un « futur simple ». Leur credo ? Ne pas encombrer le monde d’innovations superflues. Christophe Tincelin et Bertrand Vignau-Lous ont créé, il y a tout juste dix ans, l’agence de design Entreautre qui emploie 8 personnes. Elle est implantée à Lyon, Crest et, depuis 2019, à la Halle Tropisme de Montpellier. Ubisoft, Enedis, Parrot… leurs références professionnelles sont impressionnantes et leurs distinctions multiples

Le futur simple
« Au départ, l’ambition était de créer une maison d’édition autour du mobilier et du luminaire, avec des objets éco-concus, fabriqués et assemblés localement. Mais l’aspect commercialisation, marketing, très chronophage, nous éreintait et nous éloignait de notre démarche initiale », raconte le designer Christophe Tincelin. Également ingénieurs, lui et son associé ont donc opté, il y a trois ans, vers l’accompagnement d’entreprises dans le but d’embarquer leurs clients, de l’identification de leurs besoins à l’expérimentation des solutions, vers des projets à impacts positifs. L’agence entend défendre une approche responsable du métier de designer : le futur simple.
« Nous avons fait le pari de diffuser la culture du design au cœur des entreprises, à travers des projets manifestes basés notamment sur la créativité collaborative ; designer le bon produit de la bonne manière est un incontournable de notre switch sociétal [transition écologique – NDLR]. » Designer un futur simple, c’est ainsi pour eux prendre en considération les enjeux liés à l’usage, l’ergonomie, le style, mais également « interroger le réemploi pour créer une industrie circulaire et durable. Penser le process d’industrialisation et son modèle économique, ou encore imaginer la désirabilité de l’objet et comment il peut être utilisé pour faire bouger les lignes », poursuit Christophe Tincelin.

Leur première création a été la lampe résille. Constituée d’une simple feuille en polypropylène faisant office d’abat-jour sur laquelle s’enroule un câble, elle a été le point de départ d’une démarche conceptuelle s’appuyant notamment sur la sobriété, le low Tech et une production locale. Conçue en 2011, cette lampe a été exposée à la biennale du design et son principe de câble faisant la structure a par la suite été décliné dans d’autres projets formellement différents.

Une boucle vertueuse
En septembre dernier, Entreautre a participé à l’événement France Design Week qui s’est tenu à la Halle Tropisme. Christophe Tincelin exposait la philosophie de l’agence à travers des exemples de réalisations. Dont une étonnante cafetière (photo)… « Il s’agit d’un prototype désigné avec des matériaux recyclés et des composants encore fonctionnels issus de déchetterie. C’est un objet qui s’inscrit dans un projet global que nous menons autour de l’upcycling des DEEE (déchets d’équipement électriques et électroniques). Aujourd’hui, 95 % des objets manufacturés ont fait plus de 6 000 km avant d’arriver chez nous et 150 000 objets électroniques sont jetés chaque jour en France ! Face à ce constat, pouvons-nous déconstruire tout cela ? »
Désirer ce qui est jeté, c’est ça l’idée ? « Nous voulons en effet montrer qu’on peut imaginer des produits techniques désirables et utiliser des éléments réemployés issus de nos poubelles. Créer une boucle vertueuse : récolter, réutiliser, réinjecter. Si je prends l’exemple de la cafetière, la prochaine étape sera de procéder à une analyse de vie du concept de façon à voir s’il a un vrai impact sur l’environnement. »

Pour SEB, Entreautre a dessiné un hachoir et un découpe-légumes. L’utilisation d’un plastique recyclé, de liège, de textures et d’une esthétique épurée formalise l’ambition de la marque dans une démarche d’éco-conception. Des produits plus durables, réparables pendant 10 ans, économes en énergie et fabriqués en France. Pour ce travail, l’agence – qui collectionne déjà de nombreux prix (Best of CES, étoiles de l’Observeur du design…) – a reçu un Plus X Award.

D’autres projets emblématiques occupent actuellement les designers. Le groupe Kis Photo-Me, acteur majeur de la distribution automatique et des kiosques d’impression photo (Photomaton) leur a proposé de concevoir la navigation, les codes graphiques et les interfaces de ses cabines. « C’est un vrai travail d’ergonomie et d’inclusivité. Nous travaillons aussi sur la conception mécanique et design d’une plateforme mouvante pour deux start-up montpelliéraines spécialisées dans la rééducation. »