Éditorial 62

Par Fabrice Massé

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Sans nature,
point de culture

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Sans toit ni loi ?

Nous sommes en 1954, Agnès Varda, tombée amoureuse de Sète, y tourne le film La Pointe Courte, une ode à la ville qui l’a vue grandir. La Nouvelle Vague, qui a submergé Cannes et le monde entier, est donc née dans un dédale improbable de cabanes de pêcheurs.

Tandis qu’on cède encore à la tentation de détruire ce patrimoine inestimable, habitat original précieux – on le fait aux Saintes-Marie-de-la-Mer aujourd’hui* – il est heureux que soit célébrée du 16 mai au 16 juin l’architecture sous toutes ses formes, en Occitanie.

Ainsi, un bâtiment que nos yeux se sont habitués à ne plus voir soudain renaît grâce à la vigilance des experts du Patrimoine, notamment ceux de la Drac qui organisent ce Mois de l’Architecture. Comme celui de la Criée, appartenant aux pêcheurs de Sète, encore (photo de une et ci-contre) !

Le XXe siècle, qui a vu son patrimoine remarquable protégé il y a vingt ans au niveau national, a aussi su poser les premières bases de la sauvegarde de son patrimoine naturel au niveau européen. Contre l’ignorance, qui se résorbe peu à peu grâce aux travaux des scientifiques, à leur vulgarisation et à la mobilisation écologiste désormais planétaire, mais aussi contre les lobbys qui maintiennent avec force leurs menaces, parfois ignobles, sur nos eurodéputés (lire page 10).

Mais le chemin reste long ! Il est temps désormais de ne plus « intégrer des éléments de nature » dans les projets urbains portés par les Villes ou les Métropoles, comme on l’écrit encore dans les cahiers des charges rédigés par certaines d’entre elles. La culture du vivant doit désormais prévaloir.

Bâtir n’est pas détruire !

À moins de se résoudre à l’inexorable, on sait même l’urgence qu’il y a à concevoir des bâtiments éco-responsables, des villes à énergie et à biodiversité positives.
Fêter aujourd’hui l’architecture, c’est s’inscrire dans cette perspective-là. Car sans nature, point de culture.

Dans le film de 1985 Sans toit ni loi, tourné dans le Gard et l’Hérault, Agnès Varda peint le parcours d’une jeune femme éprise de liberté. Mona, jouée par Sandrine Bonnaire, a choisi la route pour fuir on ne sait quelle vie passée, rejetant toute convention. Elle finit par mourir, aux pieds des désormais célèbres cyprès jumeaux du Pioch Palat, à Saint-Aunès. De ce paysage de vignes (probablement traitées aux pesticides…), a émergé depuis la zone commerciale de la commune, où nous sommes si nombreux à venir faire nos courses. Certes des ombrières photovoltaïques couvrent les immenses parkings. Et peut-être même prévoit-on de bâtir un jour dans cet « écoparc » un cinéma multiplexe ? Mais cette fuite en avant de l’ère consumériste, nous savons désormais où elle nous mène. n

* www.leslaunes.com