Éditorial 57

Par Fabrice Massé

«

Parler de l'état du monde, sans quoi la danse ne serait qu'une agitation d'égocentrismes.

»

Ouvert !

Un théâtre qui ferme dans une ville, ce n’est jamais une bonne nouvelle. Même si ce n’est l’affaire que de quelques mois. Mais lorsque, dans la même ville, la subvention d’une salle de concert est amputée de 30 000 euros ; lorsque dans la même ville ; l’exposition d’un grand artiste est censurée sans motif valable ; et lorsque dans la même ville, le centre d’art est voué à être converti en commissariat de police municipale… comment ne pas sérieusement s’inquiéter ?

Certes, grâce à l’intelligence de l’équipe du théâtre et à celle de son principal bailleur de fonds, l’agglomération du Grand Narbonne, la scène nationale a rouvert début 2018, revigorée ! Bien sûr, le public de la ville, les enfants de ses écoles peuvent désormais se réjouir à nouveau de spectacles de qualité, parfois complexes, surprenants ou déroutants.

Bientôt, les expositions au musée de la romanité Narbo via, qui sort de terre juste à côté du théâtre, permettront également à un public narbonnais et international de tous âges de (re)découvrir le haut lieu culturel que fut Narbonne, à la croisée des via Domitia et Aquitania. Ils remarqueront, par exemple, que nos ancêtres tiraient leur inspiration, au fond, de sujets assez semblables à ceux qui inspirent les artistes aujourd’hui.
Quelle différence entre le marbre de Silène ivre et nu, au musée archéologique de Narbonne (que visitent aussi les scolaires) et la photo de Basquiat nu de l’exposition de Louis Jammes, à l’Aspirateur de Narbonne ?
Quelle différence entre un bas-relief funéraire représentant un vaisseau de commerce romain, au musée archéologique de Narbonne, et les photos de migrants de l’exposition de Louis Jammes qui n’ont pas pu être exposées sur les murs de l’Aspirateur de Narbonne ?

Jean-Paul Montanari, directeur de Montpellier Danse répond à sa manière dans le programme du festival 2018. Ses ambitions pour cette 38e édition :
« ÊTRE ATTENTIF aux réactions du public, comprendre ses attentes et essayer, sans toujours aller dans son sens, de l’emmener un peu plus loin. Quelquefois, oser le surprendre, voire le bousculer… Une sorte de preuve de respect (ou d’amour, peut-être)
– PARLER DE L’ÉTAT DU MONDE, sans quoi la danse ne serait qu’une agitation d’égocentrismes. Comment ignorer aujourd’hui l’extraordinaire phénomène des déplacements de populations. Migrants… exilés… réfugiés… perdus en Méditerranée… venus jusqu’à nous. Leur faire une place chez nous, dans notre travail, dans notre imaginaire ?
– SAVOIR AU FOND DE SOI que les chorégraphes et les danseurs sont les sismographes de notre époque, qu’ils annoncent les temps qui viennent. Nouveaux chamans, nouvelles pythies qui parlent une langue inconnue et incompréhensible : c’est le fameux « on ne comprend rien à la danse contemporaine ». Pouvoir enfin, avec un immense plaisir, jouir de son énigmatique mystère…»

Tandis qu’il inaugurait fin mars la première saison du musée Maison Rouge, à St-Jean-du-Gard, Max Roustan, maire-président (PR) d’Alès Agglomération, rappela, lui, que : « La culture, ce ne sont pas seulement des dépenses, parce qu’un euro investi dans la culture rapporte 4 euros au capital financier de la commune. »

Ainsi, en voulant retirer 30 000 euros au dB, la scène musicale de Narbonne, la mairie de la ville a failli priver les Narbonnais de 120 000 euros. Par bonheur, ceux-ci se sont mobilisés pour défendre leur capital. La subvention s’éleva finalement à 10 000 euros ; 40 000 euros ont donc été sauvés.
Mais il y a, au fond, une cohérence à mieux loger la police municipale à Narbonne : dans cette logique, les jeunes générations, lasses d’être si peu respectées, n’auront sans doute rien d’autre à faire que d’exprimer leur colère.