Éditorial 52

Par Fabrice Massé

«

N’est pas super héros qui veut.

»

Je dis non !

« Faire Région », voilà donc désormais l’objectif auquel sont invités les habitants d’Occitanie. Oui, les habitants d’Occitanie… Car il faut bien désormais les nommer. Occitan-e-s, Occitain-e-s, Occitanais-es… ? Et quid de Pyrénées-Méditerranée ? Occitain-e-s/Pyrénéen-e-s-Méditerranéen-e-s ? Voilà un écueil que la technocratique réforme territoriale n’aura pas su anticiper ! L’humain… Cet être complexe que le pouvoir le plus démocratique qui soit a tant de mal à concevoir, ne pourrait-il pas, pour une fois, y mettre du sien ? Passer à un autre sujet par exemple ?

C’est ce que nous ferons, car en la matière, la procrastination semble la seule voie possible ! à ceux qui s’insurgeront (« à terme, il faudra bien un terme ! »), rappelons comme la révolution a imposé il y a plus deux siècles des noms de départements tout aussi difficiles à décliner. Prenons le premier d’entre eux, l’Ain. Ses habitants restés anonymes depuis 1790 sont-ils des Aindien-e-s comme ils en plaisantent volontiers ? Liberté, égalité, fraternité… certes, mais tout le monde n’a pas la chance de vivre dans l’Hérault, le Gard, l’Aude, le Tarn… Les habitants des Pyrénées-Orientales n’ont pas eu de pot. Pas plus que ceux de Haute-Garonne ou des Hautes-Pyrénées que les noms n’ont toutefois pas rendus hautains.

Passons-donc. Mais à propos… Gérer un département dote parfois leur président d’une très haute opinion de lui-même. Au point qu’une fois élu, il estime prioritaire que ses indemnités soient aussitôt augmentées. Pour ses grandes ambitions, un nouveau logo (dont il détermine lui-même chaque trait) marquera son règne sur chacune des communications de l’institution. Et qu’importe si c’est utile et les frais engendrés. Chaque service sera impitoyablement réorganisé, il y va de son autorité ; désormais il faudra dire « oui à [s]es envies » (sic !). Le magazine du Département passera de 80 000 à 450 000 exemplaires, quitte à interrompre abusivement le contrat de certains prestataires. Quant à la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) qui entend le priver de « ses compétences » au profit de la Métropole, Monsieur le Président en fera son affaire. Stress, retard, incompréhension, inquiétude, manifestations syndicales (« je dis non ! »), pendant neuf mois, personnel et usagers des domaines concernés (notamment la culture) resteront suspendus à sa décision. Cela ne l’affectera pas. Puisqu’il faut céder, il cédera, mais sans les financements « sinon, le Département serait hors la loi », affirme-t-il sans ciller. Curieusement, c’est l’unique collectivité locale du genre où ce transfert de compétences se passe si mal. Finalement, l’état réglera le blocage. Au président – qui est accessoirement député et donc co-auteur de ladite loi – on expliquera le détail du texte qu’il méconnait. Le cumul des mandats qui l’a fait « passer aux 35 heures… de sommeil » tente d’ironiser l’élu départemental, n’a pas fait de lui un surhomme, quoi qu’il en pense. Encore moins un super héros.

« Faire Région » et « défaire Département » a finalement quelques avantages, on le voit. Le nouveau logo de la Région, lui, indispensable et légitime, a celui-ci emporté toutes les faveurs, hormis celles de quelques irréductibles. Plaçant à la même échelle les couleurs occitanes et catalanes, il compense en partie la frustration de Catalans de bonne foi générée jusqu’ici par l’absence de représentation régionale visible. « Ce logo a réussi à faire ce que personne jusqu’ici n’était parvenu à faire à la Région, mettre tous les élus d’accord ! », explique Gérard Onesta, président du Bureau de l’Assemblée régionale.
Faire confiance aux artistes est donc une bonne voie pour réussir. En leur donnant plus de moyens de production, dans des ateliers par exemple. Pour la jeune graphiste gersoise de 22 ans, Léa Filipowicz, les choses iront plus simplement désormais, son statut de designer l’inscrivant certes à part, parmi les arts appliqués. Mais d’autres qu’elle pourraient bénéficier d’une grande école de design, à Montpellier, comme il en est question. Encore faut-il le décider. Grâce à une politique culturelle des villes plus ambitieuses, les revendications identitaires seront une source de réussite, de joie et d’espérance, et non le contraire. Elles seront la meilleure façon de dire non aux envies autoritaires de certains politiques, surtout lorsqu’ils parviennent à être élus.