Éditorial 61

Par Fabrice Massé

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On ne combat pas les kalach avec d’autres kalach, mais avec la culture

»

Cité créative

Musées et tiers-lieux, et la ville marche sur ses deux jambes. Qu’elles soient ville centre de métropole ou non, ville moyenne ou village, les communes qui cultivent la créativité de leurs habitants et leur goût pour leur patrimoine antique ou contemporain sont aux avant-postes pour démentir la facture territoriale que l’actualité place aujourd’hui au cœur des débats. En Occitanie tout particulièrement.

Si les tiers-lieux se développent a priori plutôt dans les métropoles, rejoignant un mouvement international déjà ancien tirant sans doute ses origines des salons de peinture du XIXe siècle, leur récente mutation est évidemment liée aux récentes innovations numériques. Tout comme les peintres d’antan ont préféré mutualiser leurs moyens pour l’organisation d’expositions collectives, seules susceptibles de mobiliser un large public, les « enfants » de Warhol et de sa Factory ont pu sentir à leur tour le besoin de cette coopération.

Réponse à l’air du temps qui atomise l’entrepreneur, créatif ou non, derrière son ordinateur ? Probablement. Mais plus qu’un simple espace de coworking comme il s’en crée partout désormais, y compris dans les villages, les tiers-lieux culturels semblent s’affirmer comme les épicentres manifestes où bat le cœur des villes. Convivialité, réseau, imagination en sont les maîtres mots.

Ces nouveaux modèles économiques, sociaux, sociétaux… sont-ils toutefois de véritables lieux de production de la culture ou leur présence fantasmée sur un territoire donné suffit-elle à stimuler la créativité de l’ensemble de la cité ? Chacun en est juge. Les économistes tels que l’Américain Richard Florida jugent en tout cas leur impact décisif.

Les musées, en revanche, vivent en Occitanie plus qu’ailleurs, en France, un véritable âge d’or. « L’effet Guggenheim », affirment les chercheurs ; chaque édile rêvant de reproduire le spectaculaire redressement économique de Bilbao dans sa ville. Grâce à l’implantation du désormais célèbre musée créé par l’architecte Frank Gehry, en 1997, la ville basque accueille désormais un million de visiteurs chaque année, contribuant à hauteur de 1,57 milliard d’euros à l’économie locale et générant 45 000 emplois directs ou indirects (source : Le Figaro – 15 octobre 2007).

Et en effet, ça marche ailleurs ! Depuis l’ouverture du musée Soulages à Rodez, la ville aveyronnaise n’a jamais reçu autant de touristes. Même chose pour le musée de la Romanité où « plus de 170 000 visiteurs, venus du monde entier » ont dépassé les prévisions établies à 160 000, en seulement huit mois, selon la mairie de Nîmes.

Repenser la ville et les villages en planifiant ainsi la création de tiers-lieux, de musées ou de tout autre moteur culturel comme un festival (les habitants de Marciac, en savent quelque chose) ressemble bel et bien à la recette miracle qui dope le dynamisme des territoires.

« On ne combat pas les kalach avec d’autres kalach, [mais avec] la culture », affirmait Philippe Saurel, maire de Montpellier et président de la métropole, en annonçant l’ouverture le 29 juin prochain du centre d’art contemporain de Montpellier, le MoCo. Le 18 janvier dernier, il inaugurait aussi la Halle Tropisme, un vaste et convaincant tiers-lieu culturel.
Sur fond de crise des Gilets jaunes, on sent toutefois que ces réponses ne seront pas suffisantes. Appelant à une VIe République lors de ses vœux 2019, M. Saurel saura-t-il se montrer lui-même créatif sur le plan institutionnel pour la porter ? L’avenir nous le dira.