Parmi la vingtaine d’œuvres de Jean-Luc Verna exposées à la galerie Iconoscope, à Montpellier, un dessin a tout particulièrement capté l’attention. Un fonds régional d’art contemporain (FRAC) a souhaité s’en porter acquéreur tandis qu’un collectionneur privé le convoitait également. L’affaire ne s’est cependant pas faite. Résigné face à son concurrent institutionnel, le collectionneur est passé à d’autres projets, alors que le FRAC ne donnait finalement pas suite. Motif : l’artiste serait déjà très présent dans les collections publiques.

Ce double focus circonstanciel sur Laura Mars, titre de l’œuvre, fournit néanmoins un prisme éclairant sur la personnalité hors du commun de l’artiste. Mais pas question d’en dresser ici un véritable portrait ; l’entreprise souffrirait par trop de manquements et d’approximations tant la vie de Jean-Luc Verna est foisonnante, « je suis un mec à tiroirs ; je fais mille choses », confiait-il à artdeville.
L’image massive de Verna, à l’épiderme tatoué, percé et « malmené » de bien des manières, exprime d’ailleurs d’elle-même les vicissitudes de ce natif de Nice, en 1966.
En rupture avec une mère « à la droite de la droite de la droite », dit-il avec une moue appuyée, qui lui dénie le droit de danser, d’être lui-même, il en épouse les valeurs en creux. À l’intolérance bigote, rabougrie de cette Folcoche, il répond en explorant le monde et ses marges interlopes. Sexe (prostitution), drogue and rock’n’roll dynamitent l’ordre rance qu’on lui impose.
Et le dessin comme échappatoire, l’art en général. Verna est vraiment un touche-à-tout. Côté arts plastiques, ses sujets s’orientent désormais vers des portraits d’oiseaux. Un premier croquis qu’il duplique au calque, photocopie, puis qu’il rehausse de maquillage. Sculpteur, c’est par exemple son sexe en résine qu’il présente dans une assiette…
Musicien, il se produit sur scène comme au Rockstore en septembre dernier avec son groupe I Apologize (Je m’excuse, en anglais).
Danseur, performer, il aurait aimé montrer sa pièce Uccello, Uccellacci & The Birds au centre chorégraphique national (CCN) de Montpellier. Mais son directeur Christian Rizzo, qui a déjà coproduit un de ses précédents spectacles, espérait cette fois lui confier La chambre d’écho, l’espace d’exposition du CCN. Ce n’est finalement que son rideau de scène constellé que les visiteurs de Boom, le salon du dessin organisé en septembre dernier, ont pu découvrir à la Panacée, à Montpellier.
Comédien enfin, Jean-luc Verna donnera la réplique à Anne Mouglalis dans une pièce de Fabrice Melquiot en janvier 2020.
Pas étonnant donc que parmi les œuvres exposées chez Sylvie Guirand, la galeriste, ce « poussin » chimérique ait autant intrigué. La douceur étrange, naïve, de cette silhouette velue tranche avec l’apparence brutale de Verna. Regard fixe, intense, il pourrait bien figurer son double observant le monde, ses failles, sa beauté pour mieux en dénoncer avec force la bêtise, la prétention des codes… Comme dans le film Les yeux de Laura Mars auquel il fait référence, mais avec humour. « Jean-luc est la douceur même », confiait à artdeville son mari.

Vous n’êtes pas un peu beaucoup maquillé ?
– Non
Jusqu’au 21 décembre 2019 – Galerie Iconoscope à Montpellier